Des bactéries qui nous veulent du bien

15587.hr - Illustration Des bactéries qui nous veulent du bien
« La collection de bactéries compte 4 000 souches de 150 espèces », chiffre Florence Valence-Bertel, ingénieure de recherche Inrae.
À Rennes, des chercheurs de l’UMR STLO travaillent sur les processus de fermentation des aliments, de l’étude du génome des bactéries à la mise en œuvre semi-industrielle. Tout un monde à découvrir.

Atout santé, mode de conservation peu énergivore, nouvelles saveurs… Les aliments fermentés reviennent à la mode. Certains amateurs de cuisine se lancent dans la fabrication de kimchis, des légumes fermentés traditionnellement confectionnées en Corée. D’autres s’essayent au kéfir, boisson issue du lait ou de jus de fruits sucrés.
« Mais la fermentation est en fait bien présente dans nos aliments du quotidien comme le pain, le saucisson, le chocolat, la choucroute, la bière… », a cadré Yves Le Loir, directeur de recherche Inrae et directeur de l’UMR STLO (Unité mixte de recherche « Science et technologie du lait et de l’œuf ») lors d’une visite des locaux situés à Rennes. Près de 140 personnes rattachées à l’Inrae ou à l’Institut Agro Rennes – Angers y travaillent (dont 80 permanents).

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Yves Le Loir (à gauche) et Didier Dupont montrant l’estomac humain en silicone et le simulateur de digestion.

Des siècles de fermentations

Il y a 12 000 ans voire avant, les hommes du paléolithique pratiquaient déjà la fermentation. Des processus qui ont été mis en place suite à un jeu d’essais-erreurs sur des siècles. « À la domestication des ruminants, le lait a été transformé par fermentation pour être conservé », précise Florence Valence-Bertel, ingénieure de recherche Inrae. « Selon les pays, les aliments fermentés constituent entre 5 et 40 % de notre alimentation, environ 30 % en France. »
Dans les laboratoires de l’UMR STLO, les scientifiques explorent le génome et le potentiel des bactéries d’intérêt alimentaire afin de contribuer à l’élaboration de nouveaux aliments fermentés à base de lait ou végétaux (l’œuf ne se fermente pas). « L’enjeu est de trouver les bons ‘cocktails’ bactériens. Parvenir à des aliments fermentés qui auraient une teneur importante en vitamine B12 peut être un angle de recherche par exemple, pour les personnes ayant des régimes plus végétaux. »

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Hélène Falentin devant les fermenteurs.

Cryopréservation ou lyophilisation des souches bactériennes

Dans le Cirm (Centre international de ressources microbiennes) de Rennes ouvert en 2006, de nombreuses bactéries – ayant une valeur patrimoniale ou en matière de recherche – sont sauvegardées. La collection compte 4 000 souches de 150 espèces conservées selon deux techniques : la cryopréservation à – 80 °C ou la lyophilisation (sous vide dans des ampoules de verre). « Nous avons des souches qui datent des années 60 par exemple. Tous les ans, le centre en accueille de nouvelles. C’est un univers mouvant. »
« Les bactéries peuvent être mises à disposition des chercheurs ou des entreprises. Certaines souches sont brevetées. L’industrie des ferments est colossale dans le monde. »
Dans les locaux, se trouve aussi la salle des bioréacteurs. « Dans les fermenteurs, plusieurs paramètres sont contrôlés : pH, température, agitation, gaz en contact. Il s’agit de mettre en place une ‘entente cordiale’ entre bactéries pour développer des molécules, des nutriments intéressants, des saveurs, des couleurs différentes ou des textures particulières : de l’onctuosité pour des produits laitiers par exemple », explique Hélène Falentin, ingénieure de recherche. « Nos expérimentations peuvent aussi répondre aux attentes actuelles : plus de naturalité, moins d’additifs dans les produits alimentaires… ».

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Sur 800 m2,
la plate-forme de technologie laitière permet des essais à l’échelle semi-industrielle.

Tests à grande échelle

Une autre partie des bâtiments abrite la plate-forme de technologie laitière de 800 m2. « Elle nous permet de tester à l’échelle semi-industrielle des procédés utilisés dans l’industrie laitière ou des jus végétaux », présente Yves Le Loir. « Nous disposons d’outils d’écrémage, d’homogénéisation, de traitement thermique, de technologie à membrane… Il y a de chaînes de production de yaourts, fromages à pâte molle et à pâte pressée. » De quoi faire avancer les connaissances concrètement. 

À l’épreuve de l’estomac

La partie « digestion » des aliments intéresse également les chercheurs de l’UMR depuis 15 ans. « Nous regardons comment se font la déconstruction de l’aliment et son absorption dans le tube digestif », synthétise Didier Dupont, directeur de recherche. Spécificité dans le laboratoire de Rennes : la présence d’un simulateur de digestion (in vitro) qui a été construit en Chine. « Il en existe deux exemplaires en Europe. Il reconstitue l’intégralité du tube digestif avec des organes à taille humaine et recrée les contractions stomacales. La résistance des bactéries contenues dans les aliments au stress acide et enzymatique de l’estomac est notamment observée. »

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