Stéphane Pype mène les lactations de ses brebis sur couverts végétaux, pour un coût alimentaire minime si ce n’est le temps requis pour la gestion des clôtures.
« Il n’existe pas de solutions miracles. Mais, pour s’adapter au changement climatique, des pistes existent et sont à adapter chez soi », insiste Stéphane Pype, polyculteur-éleveur dans l’Oise, venu témoigner de son expérience lors des journées régionales ovine organisées par le GIE Élevages de Bretagne, à Saint-Jean-Brévelay (56), jeudi 23 mars.
En plaine céréalière, il est le seul à remettre 15 ha de pâtures dans sa rotation (sur 55 ha de SAU) et ses 260 brebis en système plein air sur ces terres… et celles de ses voisins. « L’idée n’est pas nouvelle. Les anciens pratiquaient déjà le pâturage itinérant dans les blés. Je pâture depuis 15 ans 15 ha de couverts végétaux chez moi et 100 ha chez mes voisins dans un diamètre de 10 km de l’exploitation. Un deal gagnant pour tout le monde. La preuve : ce sont maintenant les céréaliers qui viennent me proposer leurs terres… », rapporte l’éleveur ovin. Si l’idée a déjà été évoquée en Bretagne, elle est peu pratiquée au regard des autres régions. Mais avec une Bretagne qui se végétalise, la pratique sera peut-être plus aisée à mettre en place ?
Des atouts zootechniques et agronomiques
Côté élevage, les avantages résident sans aucun doute dans le coût alimentaire. Si les brebis sont déjà au pâturage, il n’y a pas besoin de transition alimentaire. « Je suis équipé en clôture Spider pack 3 fils sur quad. Même pour 200 kg MS/ha, j’y vais ! J’ai certes du travail pour avancer les clôtures mais c’est toujours 200 kg MS/ha d’alimentation gratuite ». La valeur alimentaire des couverts est intéressante – « c’est de la dynamite ! » – avec 0,9 UFL et autour de 100 en PDI, « l’équivalent d’un concentré ». Le couvert a un effet boostant pour retaper les brebis. En contrepartie, ce système fourrager implique une gestion de l’élevage au plus simple : un seul lot d’animaux et une mise-bas par an en août/septembre sur 4 semaines, pour des sevrages d’agneaux en décembre. Il ajoute que « d’autre part, se focaliser sur la race est un mauvais débat. Le pâturage est adapté à toutes les races, c’est l’élevage des agnelles qui est important. Chez moi, j’y arrive avec des Île de France ! Par contre, il faut être plus vigilant sur la sélection sur les pattes, avec une pousse de cornes régulière. Cela s’élimine assez vite, cela concerne en général des lignées. »
RGI, colza, navette, radis, tournesol ou phacélie quand ces deux derniers sont en fleur… Le panel des couverts est large. Il travaille avec des semis multi-espèces : « Plus on met d’espèces, plus on a des chances que cela marche. Inutile d’apporter du foin ou de la paille, sauf quand le couvert est peu poussant et manque de fibres. Je mets des seaux de bicarbonate à disposition. Et je vaccine contre l’entérotoxémie. » Les repousses de colza après la moisson permettent de faire la soudure en attendant que les couverts se développent. « Pour cela, je réalise après la récolte du colza un ou deux passages de travail du sol superficiel avec un outil à disques, qui aident à la germination ».
Le céréalier, lui, gagne le coût de la fauche soit 45 € d’économie et 30 minutes de travail par hectare. De plus, des études montrent qu’il y a 60 % de limaces en moins. Le piétinement avec des chargements importants limite aussi l’invasion des mulots, fléau en agriculture de conservation : « Et en limitant la zone de chasse des rapaces sur des petits paddocks, la prédation est plus importante. » La présence d’animaux qui pâturent, sur des paddocks limités à 48 heures (24 heures en année très pluvieuse pour limiter le gaspillage), permet aussi de mieux répartir les éléments fertilisants (gain moyen de 6 uN), « et le tout sans perte de rendement et sans tassement du sol ».
Un bilan fourrager indispensable
Pour optimiser la pousse, le couvert est à raisonner comme une culture « et non pas seulement une couverture de sol réglementaire ». Il sème dès la moisson, pour garder la fraîcheur du sol et optimiser la levée. « Les couverts végétaux sont une opportunité. Mais sans pluie, pas de pousse ! Il faut donc prévoir une marge de sécurité dans le bilan fourrager et une solution de remplacement. Dans un projet, je ne mets que 2 t valorisables même si on peut produire 8 t MS. Il y a 20 ans, je misais sur 20 à 25 % de stock de sécurité, mais je suis aujourd’hui plutôt sur un seuil de 50 %, pour ne pas courir après l’alimentation. L’année 2022 marque les esprits… », avertit l’éleveur, également conseiller auprès de porteurs de projet en production ovine. Aussi sur les 150 ha de couverts accessibles qu’on lui propose, il ne pâture concrètement qu’une centaine d’hectares à l’automne.
Valoriser de la biomasse plutôt que la broyer
Un bon relationnel est la base d’un tel système : « Les choses doivent être dites et respectées. C’est la condition de la pérennité du système ». Il n’impose rien, prend juste ce qu’on lui propose, élabore un calendrier prévisionnel en fonction des cultures pour ne pas pénaliser ces dernières. « Je prépare les paddocks 8 à 10 jours à l’avance en jouant avec la météo. Je pose 300 mètres de clôture en 10 minutes ». Si besoin, un coup de broyeur est passé sous le fil en cas de végétation développée. Le courant est sur batterie. Quand la puissance faiblit à 3 kVA, il change de batterie : « Mais dans des couverts, les brebis ne cherchent pas à s’échapper. » Le céréalier n’a pas à supporter les contraintes liées à la présence ou au passage des animaux. « Si je passe sur ses parcelles, les animaux et les clôtures doivent être enlevés avant que le céréalier n’ait besoin d’intervenir dans son champ. Si je ne passe pas, il fauche ou laboure sans tenir compte de moi. C’est le deal pour que le système d’échange perdure. »
Les commentaires sont désactivés.