La géopolitique percute les marchés des engrais azotés et phosphatés, totalement dépendants de celui du gaz, essentiel à leur fabrication. « C’est l’Inde qui impose le rythme du marché de l’urée », indique Thomas François, directeur des ventes d’Interore (commerce d’engrais) et céréalier, intervenant à une journée sur les matières premières, organisée par l’Aftaa. Le pays importe 8 millions de tonnes chaque année de certains pays producteurs : Qatar, Émirats arabes unis, Iran, Chine et Russie. « Leurs appels d’offres poussent, périodiquement, les prix mondiaux à la hausse ». Ce schéma cyclique avait cours avant 2021 et la flambée du prix du gaz, dont le prix de l’engrais est fortement dépendant. Une première hausse s’est produite lors de la crise politique liée au gazoduc Nord Stream 2 qui relie Saint-Pétersbourg à l’Allemagne. Une seconde, suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. Oligarques sur liste noire « Depuis deux ans, on ne maîtrise plus rien », déplore l’importateur d’engrais. Les indicateurs habituels n’ont plus cours ou beaucoup moins : équilibre offre-demande, performance industrielle, logistique, parité euro-dollar. La Chine, gros producteur d’urée, a fermé quelques usines pour des raisons environnementales. Celles-ci fonctionnaient au charbon et provoquaient des émanations toxiques. « Le pays se focalise désormais sur le marché intérieur, sauf pour quelques engrais comme le sulfate d’ammoniaque ». Le problème est essentiellement européen ; le prix du gaz aux États-Unis est stable et peu cher (production de gaz de schiste). « En Europe, le prix a connu un pic en 2022. Les oligarques russes, dont certains producteurs d’engrais, ont été placés sur liste noire. L’impossibilité de commercer avec eux nous a posé un cas de conscience. On les connaissait personnellement ». Certaines sociétés russes ont changé de dirigeants propriétaires pour contourner l’obstacle ; « on peut de nouveau travailler avec eux ». En parallèle, l’Union européenne a revu sa politique d’approvisionnement en gaz (de l’Ouest plutôt que de…
Un marché de l’urée lié à celui du gaz