La contamination nitrique des eaux ne concerne pas seulement les côtes de l’Ouest, mais également les eaux souterraines partout dans le pays, constate Gilles Billen, directeur de recherche CNRS émérite, spécialiste de biogéochimie territoriale.
Les problèmes d’algues et de concentrations en nitrates des eaux en France concernent-ils uniquement la Bretagne et les Pays-de-la-Loire ?
Les problèmes d’algues et d’eutrophisation côtières sont très présents en Bretagne, mais on retrouve d’autres types de prolifération sur les côtes de la Manche, ou de la mer du Nord. Dans ces régions, ce ne sont pas des macro-algues mais des algues planctoniques qui sécrètent des toxines, ou un mucus que l’on retrouve sous la forme d’une mousse nauséabonde sur les rivages. Plus largement, le problème de la contamination nitrique concerne toutes les masses d’eau, les eaux de surface dans la mer ou les rivières, mais également les eaux souterraines. Chaque année, de nombreux captages sont fermés à cause de dépassements de la norme de 50 mg/L. Près d’un tiers des eaux souterraines dépasserait aussi la concentration de 25 mg/L, considérée par certains scientifiques comme un meilleur indicateur des effets sur l’environnement.
Le secteur agricole est-il seul responsable de ces problèmes ?
Les engrais et les déjections animales sont effectivement devenus les premières sources de dégradation de la qualité des eaux. Les rejets d’eaux usées urbaines sont eux aussi susceptibles d’apporter des nitrates. La qualité de l’eau est en revanche très bonne sous les forêts, où l’azote est minéralisé en cycle fermé. Les prairies également laissent moins passer les nitrates grâce à la préservation d’une végétation permanente, et tant qu’on ne fertilise pas trop.
Quelles politiques permettraient selon vous de s’attaquer réellement au problème ?
Les causes du problème paraissent différentes en Bretagne, où les nitrates sont liés à l’élevage, et dans le grand bassin parisien avec des pollutions plutôt liées aux engrais. Mais la cause des contaminations, le péché originel si l’on veut, reste la spécialisation. Nous travaillons donc sur des scénarios qui permettraient de reboucler ce cycle de l’azote. Des régimes alimentaires comportant plus de protéines végétales permettraient ainsi de réduire le cheptel français de 50 à 40 %. Cette baisse s’accompagnerait d’une redistribution, en délestant l’Ouest de son cheptel surnuméraire, pour remettre des bêtes dans les zones céréalières, en rééquilibrant les apports d’azote sur le territoire. Propos recueillis par Ivan
Logvenoff/Agrapresse