Blé : la Russie fera la pluie et le beau temps

Alors que les prix mondiaux sur la campagne 23/24 s’affichent à Chicago en recul de 13 % face à 2022/2023 (-19 % sur le Matif), la Russie semble avoir toutes les cartes en main pour influencer le marché…

16330.hr - Illustration Blé : la Russie fera la pluie et le beau temps
Si la météo ne se dégrade pas, la Russie pourrait récolter 85 Mt de blé, un très bon score face au record de l’an passé (92 Mt). S’ajoutent à cela des stocks faramineux (17 Mt).

Le blé sur le Matif vaut en moyenne 242 €/t sur les échéances 2023/2024
(295 €/t en 2022/2023). Face au recul régulier des cotations depuis novembre 2022, certains utilisateurs se prennent à espérer retoucher le niveau moyen 2020/2021 (209 €/t). Minute, papillon !   

Une consommation stable à plus élevée

Le disponible exportable des principaux vendeurs de l’hémisphère Nord est attendu en baisse de 10 Mt sur la nouvelle campagne, alors qu’il avait progressé de 20 Mt en 2022/2023. On attend peu de changement aux USA et au Canada, une légère hausse dans l’UE, un quasi-retrait de l’Inde et une baisse en mer Noire (chute de l’Ukraine mais Russie très présente). Dans l’hémisphère Sud, on devrait aussi voir les volumes disponibles à l’exportation diminuer (-2 Mt), mais dans une moindre ampleur qu’en 2022/2023 (-5 Mt). L’Australie revient en effet sur des objectifs de production dans la moyenne après une saison exceptionnelle. L’Argentine, sinistrée l’an passé, devrait faire bonne figure mais ne devrait pas compenser le recul australien. Or la consommation mondiale est attendue stable à plus élevée, selon les sources. Il faudra donc que certains tapent un peu plus dans leurs stocks ou que l’utilisation de la céréale baisse… Le ratio de prix entre blé et maïs à Chicago est en progression (1,15 sur 2023/2024 vs 1,09 sur 2022/2023) et devrait pouvoir limiter le recours au blé en alimentation animale notamment. Mais en alimentation humaine, le rationnement est plus difficile. On comprend tout l’enjeu de ne pas perdre une tonne de plus de blé d’ici la récolte. D’autant plus que la sécheresse gagne du terrain un peu partout dans le monde (voir encadré).

L’enjeu : ne pas perdre une tonne de plus d’ici la récolte

L’impact de la guerre

Le marché du blé reste surtout animé par ce qui se passe en Ukraine et Russie, deux pays où la météo devrait avoir moins d’impact que la guerre. La destruction du barrage de Kakhovka aurait, selon un communiqué du ministère de l’Agriculture « conduit à l’inondation de 10 000 ha de terres agricoles en zone ukrainienne et plusieurs fois cette surface sur l’autre rive occupée par les Russes. De plus, 31 systèmes d’irrigation, qui en 2021 ont permis l’arrosage de 54 000 ha de céréales et tournesol seraient inutilisables dans les régions de Dnipropetrovsk, Kherson et Zaporizhzhya ». Pour l’instant, le disponible ukrainien de blé est estimé par l’USDA à 10,5 Mt en 2023/2024 vs 16 Mt en 2022/2023. Ce chiffre tient compte d’un recul à la fois de la production et des stocks, mais quid de la logistique demain ? La Russie, si la météo ne se dégrade pas, pourrait récolter 85 Mt de blé, un très bon score face au record de l’an passé (92 Mt). S’ajoutent à cela des stocks faramineux (17 Mt). Les estimations portent à plus de 46 Mt les exportations à venir (record absolu), ce qui correspondrait à 22 % du marché mondial (20,7 % en 2022/2023 et moins de 20 % avant le conflit avec l’Ukraine…).

Un taux de change favorable aux ventes

De quoi se frotter les mains du côté du Kremlin : la Russie se trouve donc en possession de beaucoup de blé, sans réelles menaces météorologiques d’ici la récolte. Le taux de change du rouble avec le dollar est redevenu favorable aux ventes. Le pays a besoin d’argent pour financer la guerre et besoin d’alliés. Nombreux sont les pays du pourtour méditerranéen et du Moyen Orient qui ont des difficultés à produire ce qu’ils avaient prévu de fournir sur leur marché domestique (Iraq, Égypte, etc.). De son côté, la Chine, et particulièrement la province du Henan, subit des pluies ininterrompues depuis plus de deux semaines maintenant. Environ 20 % de la récolte pourrait être impactée. Rappelons que les Chinois, qui n’importaient que 2 Mt de blé en 14/15, sont devenus les premiers importateurs mondiaux en 2022/2023 (12-14 Mt selon les sources), dépassant ainsi le trio de tête historique formé par l’Égypte, l’Indonésie et la Turquie. Le pays se fournit surtout auprès du Canada, des États-Unis, de la France, mais aussi de l’Australie. Mais rien n’empêche la Russie, de continuer à avancer ses pions là aussi. Pour rappel, les premiers trains transsibériens reliant les deux pays sont entrés en activité en 2022. On voit donc se confirmer un terrain de jeu diplomatique où les Russes ont la main. L’été va être chaud, aussi bien dans les champs de blé que dans les champs de bataille.

Patricia Le Cadre, www.cereopa.fr

La sécheresse menace

Dans l’UE, les craintes s’accroissent dans la péninsule ibérique. En Catalogne, la moitié de la production de céréales prévue pourrait succomber à la chaleur. Au Portugal, le gouvernement a mis en place des restrictions en matière d’usage de l’eau dans le sud du pays. Ces deux pays devraient se retrouver plus importateurs que prévu. Dans le reste de l’UE, certains pays exportateurs souffrent aussi (France, nord-est de l’Allemagne, Pologne, Pays baltes…). Aux USA, les plaines où pousse le blé sont sèches, ce qui a déjà été intégré dans les estimations de l’USDA (rendement en baisse de 3 % face à l’an dernier). Au Canada, si les feux en Alberta ont défrayé la chronique, la future récolte de blé reste pour le moment attendue en hausse de 3 Mt face à l’an passé. 


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