Cultures marines
Sous cette serre maraîchère installée à Locoal-Mendon, au bord de la Ria d’Etel, pas de trace du moindre légume. Ici, tout se passe à l’intérieur de longs bassins peu profonds à la jolie couleur verdoyante. Chez Algo Ria, la spécialité maison est la culture de la spiruline. Apparue il y a 3,5 milliards d’années, cette « micro-algue », à l’origine de la vie sur terre et dans les océans, est aujourd’hui considérée comme un superaliment. Aussi bien prisée par la FAO pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de populations en Afrique que par les sportifs, les végétariens, les végans… « La spiruline, qui est en réalité une cyanobactérie, constitue un aliment hyper sain, explique Hélène Cochet, créatrice d’Algo Ria. C’est un véritable concentré de nutriments, elle est particulièrement riche en protéines qui représentent 60 à 70 % de son poids sec. Elle contient également du fer, des vitamines, des antioxydants… »
Biologiste en cultures marines, la Morbihannaise s’est lancée il y a deux ans dans la culture de spiruline avec son époux, Jean-Marc, ingénieur aquacole. « Nous avions ce terrain que nous avions acheté, il y a une vingtaine d’années, à une époque où mon mari avait envie de s’installer comme producteur d’huîtres ». Mais la période est alors peu propice avec les épisodes de mortalité massive d’huîtres juvéniles. Le couple envisage un temps de se tourner vers la culture de micro-algue, avant de renoncer. « Nous venions chacun de monter notre activité. Nous avons donc estimé que ce n’était pas le moment de nous disperser… » Le projet refait finalement surface, à la faveur de la pandémie de Covid. Et, cette fois, c’est la bonne ! Le dossier d’installation est déposé et Algo Ria reçoit une aide du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa) à hauteur de 50 % des investissements effectués.
Le temps de la récolte
Après avoir réalisé eux-mêmes les travaux en 2021 – montage de la serre, installation des bassins… – qu’ils ont autofinancés, Hélène et Jean-Marc Cochet ont lancé l’année dernière leur production. « Le milieu de culture est un mélange d’eau douce et d’eau de mer, qui est enrichi en azote, phosphore et magnésium. Une fois introduite, la souche de spiruline se multiplie, comme un végétal. La croissance varie en fonction de l’ensoleillement et de la température ». La saison de production s’étale ainsi de mars à octobre, la spiruline étant en dormance durant l’hiver.
Pour la récolte, qui est effectuée le matin, le pompage qui brasse l’eau dans les bassins est arrêté. La spiruline remonte alors en surface. « La “crème” collectée est passée dans une récolteuse dont les mailles mesurent 22 microns. On obtient une pâte ayant la consistance du fromage blanc ». Celle-ci est ensuite introduite dans une presse sous vide afin d’extraire le plus d’eau possible. Résultat : une pâte à modeler qui, après passage dans un poussoir à saucisse, donne de longs spaghettis. Pour la dernière étape, ceux-ci sont disposés sur de grandes clayettes stockées dans un séchoir à 40 °C, durant au moins 8 heures. Au final, la spiruline est très sèche et se présente sous forme de petits vermicelles verts. « Cela convient aux personnes effectuant des cures. Et cela permet aussi de mettre de la couleur dans sa cuisine, en l’incorporant dans les salades, les plats… »
Spiruline paysanne française
La spiruline d’Algo Ria est commercialisée en vente directe sur l’exploitation ainsi que dans divers magasins de producteurs des environs. La production annuelle avoisine actuellement les 100 kg, pour une capacité totale maximale de 300 kg. « Pour nous, aujourd’hui, c’est une diversification, une activité complémentaire », précise Hélène Cochet. Une activité qui pourrait toutefois se développer à l’avenir, tout en conservant une dimension raisonnable. La Fédération des Spiruliniers de France, à laquelle Algo Ria adhère, milite ainsi en faveur de fermes à taille humaine où la bonne maîtrise des paramètres de culture et l’emploi de techniques adaptées permettent d’obtenir un produit de qualité : la « spiruline paysanne française ». Une production qui concilie le respect de l’environnement, des consommateurs et des producteurs.
Jean-Yves Nicolas
« Une production peu répandue » (Opinion)
La visite de l’exploitation Algo Ria et surtout la dégustation de la spiruline produite par Hélène et Jean-Marc Cochet ont changé ma vision du produit. Je n’avais en effet jusque-là goûté que de la spiruline en poudre (une forme souvent produite en Chine) et ne l’avais pas appréciée. Celle proposée par Algo Ria n’a rien à voir au niveau du goût. La production de spiruline est encore peu connue car peu répandue en Bretagne. Il s’agit souvent d’une activité complémentaire. Pour pouvoir se dégager un salaire, il faut tabler sur une production de 300 kg par an et par ETP.
Hélène Le Gloanic,
Responsable de clientèle entreprise, pôle d’expertise CMB d’Auray