Beaucoup de questions demeurent sur les biochars

Pour leur rôle de séquestration stable du carbone, les biochars peuvent intéresser différents secteurs d’activité comme les travaux publics et le bâtiment. En épandage agricole sous nos latitudes, des précautions sont à prendre.

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Le biochar (en noir) stocke le carbone durablement. Crédit photo : Programme Three C

Ressemblant à du charbon, noir, solide et poreux, le biochar s’annonce comme une solution intéressante pour retirer du CO2 de l’atmosphère. Ce matériau est d’ailleurs plébiscité par Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du Giec, qui explique que plutôt que laisser les résidus végétaux se décomposer et réémettre des gaz à effet de serre, mieux vaut les transformer en biochar dans lequel le carbone est durablement stocké. À condition de se servir d’une biomasse qui ne serait pas utilisée autrement et n’ayant pas parcouru des centaines de kilomètres.

Se déroulant de 2019 à 2023, le programme Three C vise à développer l’économie circulaire du carbone en Europe du Nord-Ouest. « En France, nous souhaitons accompagner la structuration du marché biochar, en émergence », précise Marc Le Tréïs, responsable du pôle biocombustible à Aile (Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement). Fin mars à Rennes, était organisée la 1re édition des Assises nationales des biochars, réunissant de nombreux acteurs de ces filières : producteurs de biomasse, distributeurs, utilisateurs, chercheurs…

Production d’énergie et de biochar

Les biochars sont issus de technologies comme la pyrogazéification qui permet de produire de la chaleur et éventuellement du gaz, de l’électricité ou de l’hydrogène. « Ces technologies peuvent engendrer des coproduits tels que le biochar ou la biohuile. La proportion de chaque produit (gaz – solide – huile) varie selon la technologie (temps de séjour et taux d’oxygène) et la qualité des intrants (essence, humidité, granulométrie) », expliquent les partenaires.

Les biochars peuvent avoir différentes utilisations : traitement de l’eau, de l’air, dépollution des sols, pour la chimie ou comme matériau de construction. En agriculture, ils pourraient présenter des atouts mais des précautions sont à prendre et des études plus poussées doivent être menées car « une fois que les biochars sont intégrés au sol, il est très difficile de les extraire », soulignent des scientifiques. Par ailleurs, son coût reste pour le moment très variable et élevé, autour de 800 €/t en moyenne.

Attention aux effets négatifs

« Grâce à leur porosité, les biochars peuvent retenir l’eau et les nutriments dans le sol et constituer un habitat pour les microorganismes », synthétise David Houben, directeur du Collège Agrosciences – UniLaSalle. « Mais il faut aussi faire attention aux effets négatifs potentiels : apports de polluants, augmentation trop importante du pH du sol, réduction de l’efficacité des intrants chimiques… C’est une solution qui est à privilégier en contexte tropical et sur sols acides. »

En horticulture, le biochar avec sa faible densité pourrait servir de substitut (partiel) à la tourbe. Des études ont aussi été réalisées sur des mélanges biochar – compost ou sur l’utilisation de biochar issu de la pyrolyse lente de fumier de volaille. Les résultats des différents essais sont contrastés.

De son côté, l’entreprise Carbonloop a travaillé avec la Maison Boinaud qui produit du cognac en Charente et vise une réduction de ses gaz à effet de serre. « Une unité de production de gaz et de biochar va être installée sur leur site de production. Elle utilisera les résidus de biomasse de l’entreprise : copeaux de cœur de chêne et résidus de taille des vignes. Le biochar viendra ensuite amender les sols du domaine viticole », explique Claire Chastrusse, directrice de Carbonloop. Elle évoque une étude réalisée sur 10 ans en Italie dans des vignes en Toscane qui montre des effets bénéfiques des biochars : augmentation de pH et de rendement et meilleure disponibilité hydrique pour la vigne.

À Stockholm en Suède, des biochars sont utilisés en ville pour la gestion des eaux de pluie apportant de la perméabilité au sol et de bonnes conditions pour la pousse des arbres. Les déchets verts des jardins sont collectés, passent dans un pyrolyseur, produisent de la chaleur pour les habitants et du biochar.

Dans le béton

Autre exemple, le groupe cimentier français Vicat, qui est engagé sur une trajectoire de neutralité carbone, s’intéresse au biochar de l’entreprise Soler afin de l’encapsuler dans le liant et le béton. Un marché à fort potentiel de développement. Pour trouver un modèle économique, les producteurs de biochars pourraient aller chercher des crédits carbone auxquels cette activité donne droit.

Des formes et compositions variables (opinion)

Il existe actuellement environ 150 unités de production de biochars en Europe, principalement en Allemagne, Autriche, Suisse et dans les pays nordiques. Les biochars peuvent être produits à partir d’une grande variété de biomasse (déchets verts, bocage, arbres, restes alimentaires…) et peuvent donc présenter des formes, tailles, compositions variables. L’enjeu est d’identifier lesquels utilisent des ressources n’entrant pas en compétition avec les autres filières de valorisation de biomasse : alimentation, fertilité des sols, matériaux, énergie. L’évaluation environnementale des différents projets sera aussi essentielle tout comme la maîtrise de la qualité.

Jacques Bernard
Chargé d’étude à Aile


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