« Ici, c’était couvert de ronces, mais tout était encore en dessous : poteaux, fils et ceps morts qui potentiellement pouvaient contaminer nos vignes… Après un grand débroussaillage, on a implanté ‘‘tout le monde en même temps dans le village’’ et chaque habitant a trouvé sa place ».
Avec un zeste d’anthropomorphisme, Cécile Perraud et Vincent Barbier parlent de ces deux hectares replantés en merlot, côt et gamay comme s’il s’agissait d’une communauté où faune et flore feraient cause commune pour servir la résilience de la vigne face aux ravageurs, à la sécheresse ou au gel de printemps.
Agroforesterie
Tout commence quelques semaines après leur installation quand le maire de Vertou propose de les aider à reprendre une parcelle partie en friche : « Je peux réunir les propriétaires et vous leur présenterez un projet… ». Malgré la charge de travail supplémentaire et un nouvel investissement à la clé, les associés acceptent « parce qu’on pouvait y repartir de zéro. L’idée était de s’appuyer sur nos connaissances agronomiques pour obtenir un raisin le plus sain possible, sur un sol le plus sain possible avec, à terme, le moins de travail possible ».
Conseillés par la Chambre d’agriculture, ils divisent la parcelle en installant tous les dix-huit rangs une bande prairiale plantée d’arbres : merisiers, tilleuls, ormes de Lutèce, poiriers et pommiers francs… Autant d’essences compatibles avec la vigne : « Elles nous donneront beaucoup de bois qui, une fois taillé et broyé, sera restitué au sol et lui fournira un amendement naturel supplémentaire ».
Ces arbres agissent comme des tampons climatiques, limitant les coups de chaud comme les coups de froid. Ils contribuent à la vie du sol et favorisent la biodiversité : insectes, oiseaux, chauves-souris… Ainsi, en dynamisant l’occupation de l’espace, leur présence limite l’apparition et le développement de ravageurs ou d’espèces invasives : cercle vertueux ! « On donne juste des outils à notre vigne pour qu’elle résiste naturellement ».
Paillage et chiffrage
Mais au delà d’une esthétique paysagère réinvestie par la nature, ‘‘quelque chose de beau à l’œil’’, c’est d’abord la dynamique régénératrice d’un sol au système racinaire profondément implanté qui intéresse les vignerons. « L’eau y pénètre bien et la vie s’y développe, nourrie et protégée par le couvert végétal. Nous le semons à l’automne, puis roulé et couché, il crée un paillage qui limite l’évaporation et amende la terre en douceur grâce, notamment, aux pivots azotés du seigle ».
Vendangée pour la première fois cette année, cette parcelle agroforestière va produire un vin rouge de pays. Sera-t-il à la hauteur des attentes de Vincent et Cécile ? Eux veulent y croire : « Le beau peut, va donner du bon ».
En attendant d’en avoir le cœur net, ils ont tout mis en œuvre pour obtenir un coût de revient millimétré de ces futures cuvées. De quoi argumenter sur l’intérêt économique d’une approche pouvant très bien servir de modèle agro-écologique à d’autres viticulteurs.
Pierre-Yves Jouyaux
Climat accélérateur de changement
« Depuis 2019, nous avons subi quatre gels de printemps et, l’été, la barre des 40 °C a été franchie dans le vignoble… ».
Conscients qu’il ne s’agit nullement d’un accident, Cécile et Vincent ont fait évoluer leurs méthodes agronomiques pour accompagner au mieux les conséquences du dérèglement climatique, accélérant même le tempo qu’ils s’étaient fixé.
« Nous avons généralisé un couvert végétal à base de seigle qui fait désormais partie intégrante de notre itinéraire technique pour lutter contre l’évaporation, la sécheresse, mais aussi pour régénérer nos sols. Sans compter le carbone qu’il permet de capter…
Bien sûr, on va continuer à faire du Muscadet sur les parcelles les moins soumises au gel, mais sur les autres, nous avons commencé à arracher pour planter un cépage (folle blanche) qui débourre plus tardivement, évitant ainsi le gel destructeur des bourgeons ».
Autrement-dit : pour préparer l’avenir, Vincent et Cécile acceptent de sacrifier une partie de leur potentiel productif actuel : « Inutile de lutter contre un tel bouleversement. Mieux vaut accompagner la vigne pour qu’elle s’y adapte ».