Ils ont la trentaine, un minibus, un kit audio-vidéo, un drone et de l’énergie à revendre. De quoi sillonner les campagnes pour mener une enquête aussi passionnante que passionnée sur les traces… de leur propre futur.
« Actuellement, on réalise notre deuxième saison. Son objectif est de montrer la réalité et la diversité de fermes témoignant d’un modèle de transition agro-écologique que nous soutenons ».
Tous deux diplômés d’écoles de commerce, Mélanie et Kern ont décidé de passer de l’autre côté du miroir. Lui, qui bossait pour le marketing cinéma, se retrouve derrière l’objectif. Elle, qui gérait la promotion d’un magazine culturel, assure désormais les interviews. Certes, ils aimaient leur job, mais l’envie de servir des causes qui leur sont chères (le bien-manger pour Mélanie, le climat pour Kern) a fini par changer la donne. « Et puis, on avait à cœur de démystifier le fantasme d’un retour à la terre, souvent idéalisé, en le confrontant aux réalités du terrain » (lire encadré).
Caméléons en immersion
Avec si peu de moyens et la contrainte de tout faire de A à Z, mieux vaut être bien organisé ! « On travaille à deux, chacun rebondit sur les idées de l’autre. à partir d’une liste de thèmes à traiter, on cherche des fermes qui y répondent. L’angle est validé lors d’une pré-interview téléphonique qui brise la glace et permet de savoir où on va mettre les pieds, mais il peut évoluer en fonction des rencontres ou d’enjeux non perçus au départ. On part pour une semaine, en immersion, tout en continuant d’écrire et d’enrichir le scénario et la mise en scène. Parfois on marche sur des œufs : avoir deux reporters dans les pattes, ça peut être lourd ! On doit à la fois se faire et oser pour pouvoir obtenir ce qu’on est venu chercher : des images et des propos pertinents. Certains jouent le jeu, d’autres tiennent à bien séparer vie privée et travail. à nous d’être flexibles. Caméléons ».
Cuisine et compétences
Le résultat ? Des vidéos bien ficelées, bourrées d’humour qui montrent la complexité des défis à relever pour des agriculteurs pris entre injonctions contradictoires : produire du bon à petit prix ou faire du volume sans polluer, ni importer… Des vidéos où s’esquissent aussi les contours de leur future exploitation et des valeurs qu’ils souhaitent porter.
à leur agenda 2024 : une formation à la cuisine pour Kern qui n’a pas forcément envie d’avoir les mains dans la terre et pense valoriser ce que produira Mélanie. « Moi, je vais chercher à travailler dans une ferme maraîchère du Pays nantais, indique-t-elle, secteur où on compte s’installer ». Pas question pour autant d’abandonner les « Joies Sauvages » : « Elles ont vocation à perdurer et trouveront leur place dans notre future activité qui intégrera une dimension pédagogique et devrait associer d’autres compétences que les nôtres ». En attendant, de courts extraits de leurs vidéos, récemment postés, cartonnent sur les réseaux : « Belle porte d’entrée pour que le grand public s’intéresse à nos reportages ! ».
Pierre-Yves Jouyaux.
À découvrir en ligne sur le site des Joies Sauvages !
Martine à la ferme… démystifiée !
Parmi les reportages de Mélanie et Kern, celui sur la ferme de Trévero (56) offre une bonne illustration de leur approche pédago-humoristique. « Là, on a rencontré des éleveurs avec une démarche presque jusqu’au-boutiste en termes de bien-être animal ou d’éthique. On peut trouver ça génial… mais ça a un prix : vendre plus cher et travailler énormément . Quand on a débarqué à Trévero, notre première impression a été : ici, c’est « Martine à la ferme ! ». On la voyait presque gambader au milieu des cochons, boire du lait… Tout était beau ! Sauf que c’est rare d’avoir ce sentiment dans une ferme. Alors, on s’est dit qu’on allait partir de cette impression pour construire l’intro. Mélanie a couru parmi les cochons et s’est roulée dans les fleurs… On a tourné les plans, ensuite on est venu casser cette image idyllique en précisant qu’elle n’est pas représentative du modèle agricole dominant et que ce n’est pas parce qu’on a cette sensation… que c’est facile . Derrière, il y a une cohérence économique solide et assumée ».