Les maraîchers Pauline Cabaret et David Rouleau se sont pris de passion pour les haricots secs. Une manière de mettre de la couleur dans la fin de l’été à Rostrenen (22). « Traditionnellement, le haricot sec est peu produit en Centre-Bretagne. Déjà engagés dans un système très diversifié avec 50 légumes produits, nous avions envie d’innover encore », sourient les producteurs. Dans un contexte d’étés plus secs, les haricots répondent aussi à l’idée de développer autant que possible des cultures non arrosées. « Quelles pratiques culturales et sélection variétale pour utiliser le moins d’eau possible ? Pour nous, c’est un sujet de travail et de réflexion permanent. » En prime, l’introduction de cette nouvelle légumineuse dans la rotation a aussi « un intérêt agronomique » grâce à sa capacité à fixer l’azote atmosphérique.
Un produit simple à cuisiner
Les goûts et les couleurs
Aujourd’hui, Pauline Cabaret et David Rouleau cultivent 9 variétés bariolées de haricots nains (non grimpantes). « On peut citer le Negro de Basabura ramené de nos vacances chez un maraîcher du Pays basque espagnol. » Une salariée leur a confié le Marfax et son magnifique jaune cuivré. Rond, blanc et noir, le Ying-Yang issu d’une variété population a été acheté à un semencier. Dans leur collection, le Jacob’s Cattle, plus allongé, se fait remarquer par une magnifique enveloppe blanche marbrée de rouge bordeaux. Au goût de châtaigne, le Nombril de bonne sœur, ou Saint-Esprit à œil rouge, présente des grains blancs marqués de rouge lie-de-vin au niveau de l’ombilic… « Traditionnel sur l’île, nous multiplions pour la première année le Coco de Belle-Île. »
Outre leur aspect chamarré, ces haricots ont leurs spécificités gustatives. « Ils sont tous très bons », promet Pauline Cabaret. Plus ou moins fermes, certains comme les petits grains noirs sont plus adaptés pour la soupe, d’autres pour le cassoulet ou les salades… « Le haricot sec est un produit que les gens achètent finalement peu. C’est pourtant simple à cuisiner : après une nuit dans l’eau, la cuisson est assez rapide », note la productrice. « Une fois testés, nos haricots sont vite adoptés. Les retours des clients sont excellents. » Et le stock vite vendu les mardis sur le marché de Rostrenen ou les vendredis soir à la ferme.
Séchage au champ ou en serre
Dans la pratique, les maraîchers voient les haricots comme « une culture relativement simple ». Ils les sèment fin avril à début mai. Puis effectuent deux binages. À l’arrivée, les plants sont coupés au sécateur pour ramener le moins de terre possible au battage. Dans l’idéal, il faut compter une bonne semaine de séchage au champ. « Tout dépend de la fenêtre météo. Nous avons un peu les mêmes contraintes que les éleveurs qui font du foin », sourit David Rouleau. En 2022, l’été chaud avait permis un séchage sur place. Cette année, pour finir, les fanes ont été ramenées sous une serre.
Avant de se lancer, Pauline Cabaret et David Rouleau ont effectué un voyage d’étude dans le Lot-et-Garonne. « Nous avons visité le GIE Biau Germe qui rassemble 14 fermes et est spécialisé dans la production de semences biologiques de légumes, d’aromatiques, de fleurs… Nous avons observé leurs pratiques et leurs matériels. » L’année dernière, le couple a ensuite investi dans une batteuse en poste fixe. « Datant des années 70, elle provient de la Province de León en Espagne. Nous l’avons achetée à l’EURL Beaumont à Brévainville (41), spécialisée dans la rénovation et la fabrication de machines agricoles spécifiques. » Les producteurs ont aussi acquis une colonne de tri densimétrique (voir encadré). Après le battage, les haricots sont ainsi passés dans la colonne : grâce à son système de ventilation, l’outil permet d’enlever la poussière et les impuretés pour obtenir un produit propre. Puis les grains passent trois semaines au congélateur pour tuer toute éventuelle larve d’insectes (bruche, charançon…).
Objectif 500 kg par an
Enfin, un dernier tri manuel et visuel est effectué pour retirer haricots tâchés ou petits cailloux. La récolte est alors conditionnée en sachets de 500 g (vendus 5,50 € l’unité). En 2022, les producteurs en ont commercialisé 200 kg. Pour 2023, la ferme a consacré 2 000 m2 à la culture de ces haricots pour une moisson d’environ 400 kg. « Certaines variétés sont encore en cours de multiplication. Notre objectif est d’atteindre rapidement les 500 kg de haricots secs par an. »
Les deux passionnés continuent d’approfondir leurs recherches autour des variétés anciennes ou méconnues. À ce titre, ils poursuivent le collectage de nouveaux haricots à cultiver pour compléter leur gamme et sa palette de couleurs. N’hésitez pas à leur confier un spécimen singulier.
Économie sur l’achat de semences
Pour l’investissement de 6 000 € dans la batteuse et de 10 000 € dans la colonne de tri densimétrique, Pauline Cabaret et David Rouleau ont bénéficié d’une subvention de la Communauté de communes du Kreiz Breizh à hauteur de 30 % du montant « au titre de la diversification des activités agricoles en vente directe ». Grâce à la colonne, solution simple et fine de tri ou nettoyage pour de nombreuses cultures, les maraîchers développent la production de semences. « L’outil nous permet d’être très précis pour trier nos propres semences et, depuis cette année, pour en commercialiser. » Cela concerne ainsi les variétés de tomate, d’aubergine, de poivron, de poireau, d’oignon, de haricot, de piment, de salade, de blette, d’épinard, de panais… « Dès la première année, nous avons économisé 1 000 €, soit 30 % d’achats de graines. »