Chez eux, le miel est une histoire de famille. Une passion que le grand-père a inoculée à son petit-fils, il y a déjà plus de trente ans. Fabien Troadec garde en mémoire ces périodes joyeuses où oncles et cousins venaient prêter main-forte pour la récolte annuelle. Alors, il y a une dizaine d’années, le jeune Finistérien se lance à son tour, épaulé par son épouse Carole. Leur « Miellerie de la Vallée de l’Élorn » démarre modestement, avec une dizaine de ruches. Puis, au fil des ans, le cheptel apicole s’agrandit progressivement. Tant et si bien que le couple de trentenaires possède aujourd’hui quelque 200 ruches dont une centaine héritée du grand-père. « Nous avons 18 ruchers répartis tout au long de la Vallée de l’Élorn, depuis La Forest-Landerneau jusqu’à Brennilis, dans les Monts d’Arrée, explique Fabien. Près de la moitié est installée sur des parcelles d’agriculteurs avec qui nous travaillons en bonne intelligence ».
Leur gamme comprend différents types de miel. Il y a celui de printemps, de couleur jaune pâle, issu de fleurs comme le colza, le saule, l’aubépine. Plus coloré, le miel de fleurs récolté en été provient lui notamment du butinage des ronces. Produit en fin de saison estivale, le miel de fleurs ambré exprime, lui, à travers sa belle teinte foncée et ses arômes, son origine, où se marient blé noir et châtaignier. Quant au « Bee-miel » – une invention « maison » –, il réunit, dans un seul et même pot, miels de printemps et d’été. Ici, il y en a pour tous les goûts et couleurs !
La bonne adresse miel
La production annuelle, qui avoisine les trois tonnes, est écoulée principalement en circuit court. « Nous travaillons avec une quinzaine de points de vente, des boutiques qui mettent en valeur les produits locaux, souligne Carole. Nous collaborons aussi avec des restaurateurs des environs ». Rançon du succès : la demande est aujourd’hui bien supérieure à la capacité de production. Aussi, le couple a-t-il décidé d’aller de l’avant et de faire construire un nouvel équipement.
« C’est un projet que nous mûrissons depuis plusieurs années, précise Fabien. Actuellement, le laboratoire d’extraction du miel est situé chez mes grands-parents. Nous avons aussi du matériel stocké sur différents sites. Cela suppose pas mal d’allers-retours. Et ma femme et moi travaillons par ailleurs ». Bref, le moment était venu pour ces parents de jeunes enfants de rationaliser leur organisation. La construction d’un bâtiment de 100 m², sur la parcelle jouxtant leur domicile de Trémaouézan, va ainsi permettre de rassembler en un seul lieu l’extraction, l’étiquetage, le stockage… Sans oublier un espace attenant pour l’accueil des scolaires et des groupes de visiteurs, accessible aux personnes à mobilité réduite .
Un buzz éclair
« Jusqu’à présent, nous n’avions pas de possibilité de recevoir pour faire découvrir et expliquer notre passion », regrette Carole. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le couple, il y a déjà quelques années, à se tourner vers les réseaux sociaux (Tik tok, Instagram, Facebook) pour partager ses aventures. Avec beaucoup de pédagogie et une bonne dose d’humour, comme en témoigne leur poisson d’avril sur le miel de frelon…
Forts de leur savoir-faire et de leur présence en ligne, ces apiculteurs 2.0 ont eu l’idée de tourner vers le financement participatif pour rassembler une partie du montant global nécessaire à la réalisation de leur projet évalué à 150 000 euros. Sur le site de Kengo, la plateforme dédiée aux projets bretons (cf. encadré), le dossier de la « Miellerie de la Vallée de l’Élorn » a trouvé son public. Proches, amis et collègues de travail se sont mobilisés. Mais aussi beaucoup de personnes extérieures, à la fois séduites par la sincérité de cette démarche d’héritage familial et les contreparties offertes : miel, visite de la miellerie, parrainage de ruches…
Fixé initialement à 6 000 euros, le premier objectif de collecte a été atteint en 9 jours. « Ce succès crédibilise notre projet », se félicitent Carole et Fabien. Lancée début octobre, la campagne va maintenant se poursuivre jusqu’à la mi-novembre avec un nouveau but : réunir 10 000 euros. De quoi réaliser l’espace accueil ainsi qu’une belle enseigne avec le concours d’un artisan local. Pas de doute, cette histoire d’abeilles mérite bien de faire le buzz !
Jean-Yves Nicolas
Le savoir-faire Kengo
Créée en 2015, la plateforme de financement participatif Kengo.bzh se concentre sur les projets locaux qui contribuent au rayonnement de la Bretagne. Bon an, mal an, cette filiale du Crédit Mutuel Arkéa accompagne quelque 200 dossiers dans leur collecte de fonds. « Notre taux de réussite est aujourd’hui de 85 %, note Pauline Lemaistre, responsable communication et partenariats. Ce qui nous situe en bonne position par rapport aux autres plateformes ». Côté secteurs d’activité, la restauration, la culture et les tiers-lieux représentent le gros des dossiers – l’agriculture pesant, elle, 7 % du total –, tandis que le montant moyen collecté s’établit à 5 000 euros. Jouant à fond la carte de l’accompagnement et de la proximité avec les porteurs de projet, la petite équipe de 5 personnes a su nouer un lien fort avec sa communauté. Ce qui lui permet aujourd’hui de revendiquer légitimement son statut de « porte-parole optimiste et engagé des initiatives menées sur le territoire breton ».