Le sol repose sur un trépied « que l’on ne peut pas dissocier, dont les composantes sont la structure (composantes physiques), la chimie et le compartiment biologique », introduit Olivier Michel, référent nutrition des plantes et des couverts végétaux chez Eureden. Si les 2 premiers socles sont facilement mesurables par des analyses classiques de sol, quantifier et qualifier la vie biologique s’avère être une autre paire de manches : les vers de terre pèsent entre 2 et 3 tonnes/hectare, un gramme de terre peut contenir 1 milliard de bactéries, 1 million de champignons et de protozoaires. Pour autant, il existe des moyens d’appréhender l’activité biologique d’un sol, mais ces outils sont souvent coûteux et complexes. « On peut mesurer la population de micro-organismes, en recherchant les enzymes que ces êtres vivants produisent, et qui rendent compte de leur niveau d’activité. On peut aussi réaliser des mesures d’ADN, plus onéreuses mais beaucoup plus factuelles ». Une fois ces analyses réalisées, le plus difficile reste de caractériser les fonctionnalités de ces organismes afin de délivrer des conseils pratiques aux agriculteurs pour améliorer, quand cela est nécessaire, le fonctionnement de leur sol. « Nous sommes dans les prémices, mais nous sommes sur des pistes prometteuses qui proposeront des choses pragmatiques », prévoit le responsable.
Le carbone est une source énergétique majeure pour un certain nombre de micro-organismes du sol ; encore faut-il qu’il soit disponible. On distingue le carbone stable, qui évolue peu ou lentement dans le temps et qui sert de stock de réserve, et un carbone dit labile, très disponible. Des mesures de ce composé ont été effectuées dans le Grand Ouest, la fraction de l’élément facilement accessible est beaucoup plus importante en comparaison à d’autres régions françaises. « Sur 300 mesures de POxC (carbone oxydable au permanganate, autrement dit carbone labile), les échantillons vont de 6 % de carbone labile à 30 % pour les meilleurs. La moyenne bretonne se situe entre 12 et 15 % », chiffre Jean-Luc Le Bénézic, agronome chez Eureden. « L’origine de nos matières organiques est très importante et explique ces résultats, car elle est issue de l’élevage ». Pour obtenir une telle proportion de carbone facilement assimilable, les agriculteurs qui ont présenté les meilleurs échantillons « ont la couverture la plus permanente possible, avec de fortes biomasses aériennes de culture intermédiaire produites pouvant aller à plus de 6 t MS/ha, avec une réduction du travail de leur sol ». D’autres éléments jouent en la faveur de ces bons résultats, comme des fumières couvertes ou un bon positionnement de ces engrais de ferme dans l’année.
Jean-Luc Le Bénézic forme tout au long de l’année des techniciens de la coopérative ou des agriculteurs. Un brin provocateur, il n’hésite pas à faire passer des messages forts. « Les éleveurs sont les champions du dosage de la ration des vaches ou des volailles, parfois au kilo près ! Sur les itinéraires culturaux, les producteurs savent suivre les itinéraires techniques ad hoc. En ce qui concerne le sol, on reste dans les grandes masses, on apporte ses engrais de ferme d’un seul coup. Il y a encore énormément de pédagogie à faire pour fractionner les apports à chaque culture ». L’agronome invite à faire un lien entre les productions animales et l’agronomie, afin d’avoir une réflexion globale de son exploitation, en considérant le sol comme un appareil digestif, au même titre que celui de la vache : les résidus de culture et les déjections animales, tous deux plus ou moins grossiers, viennent nourrir toute la flore microbienne de la terre.
Penser aux couverts courts
« L’important, c’est la diversité alimentaire apportée au sol. Ce peut être des résidus de culture, des couverts réincorporés en vert avec un rapport carbone/azote équilibré ou des apports d’effluent qui participent à alimenter le sol », préconise Olivier Michel. Si les couverts hivernaux font aujourd’hui partie du paysage et sont obligatoires, les couverts courts sont encore trop peu utilisés. « Entre 2 pailles ou entre un légume récolté en juillet et une céréale, le champ est disponible 2 mois et demi. Implanter un couvert court permet de capter l’azote, empêche l’émergence des adventices et réinjecte de la matière organique fraîche ».