Émeline vend ses fleurs et une histoire avec !

De retour du Québec, Émeline Declerck s’est reconvertie dans la floriculture bio à Plouigneau. Adepte du Slow-Flower, elle produit des fleurs de saison vendues en circuit court. Un choix aussi audacieux que pertinent à l’heure où l’indication de provenance des fleurs coupées pourrait devenir obligatoire.

17957.hr - Illustration Émeline vend ses fleurs et une histoire avec !
Émeline Declerck sur le marché de Morlaix. « Des clients me disent : ‘‘On t’achète des fleurs, pourtant avant on n’allait pas chez le fleuriste…’’.  De plus en plus, acheter des fleurs de saison produites localement fait sens ».

« Il faut arrêter de voir la fleur comme un truc qu’on achète chez Gifi, fabriqué en grande série, ce n’est pas un produit manufacturé ! Quand les gens me prennent des fleurs sur le marché de Morlaix, ils les achètent à une productrice qui les a coupées à moins de 10 km, il y a une histoire avec ».

Émeline Declerck se raconte comme ça, en mode direct

Originaire d’Anjou, région horticole s’il en est, la jeune femme a quitté en 2015 le poste qu’elle occupait dans l’audiovisuel au Québec pour revenir à un rêve de jeunesse : travailler au milieu des fleurs… Séduite par le concept du Slow Flower découvert en ligne sur un site américain, elle s’est inscrite en BTS horticole par correspondance à l’École supérieure d’agriculture d’Angers et, en 2018, s’est installée sur une ancienne ferme maraîchère à Plouigneau.

Simplicité et bon sens

Le principe du Slow-Flower est simple : produire en pleine terre et vendre en circuit court des fleurs de saison. Autrement dit, être ancrée dans son territoire avec un impact minimum sur l’environnement. Émeline cultive sans intrants chimiques, sans éclairage ni chauffage artificiels. « Je fonctionne comme un maraîcher bio : travail du sol en surface, paillage, fertilisation au compost vert… Ma terre est profonde et permet aux racines de descendre y chercher l’humidité. Un goutte-à-goutte suffit à l’arrosage et je vais installer un récupérateur d’eau sous mon nouveau hangar. Seul aspect qu’il me faut améliorer : ‘‘le matériel de base’’. Avec l’hybridation des fleurs, il est difficile de conserver les caractères d’une floraison à l’autre. Je dois donc racheter graines et plants chaque année. Mais en France, on en produit très peu, les fournisseurs importent en masse, c’est un marché mondialisé ».

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Émeline va faire évoluer son offre vers des bouquets mixtes incorporant du feuillage, des graminées, des plantes vivaces… Elle veut cultiver une collection de plantes sur le long terme pour réduire ses achats de plants et de graines.

L’objectif de l’horticultrice est donc de produire des pieds mère de plantes vivaces (comme le chrysanthème) et des graines pour pouvoir aller au bout de sa philosophie florale. Cela dit, à ses yeux, la réussite d’une ferme comme la sienne repose avant tout sur la vente.

Pertinence économique

« Avec une bonne terre et de la technique, tout le monde peut faire pousser des fleurs, les vendre, c’est plus compliqué. Heureusement en France, il y a encore une culture de la fleur sur les marchés. À Morlaix, j’ai été bien accueillie. D’évidence, les gens sont de plus en plus sensibles aux conditions de production des fleurs et à leur origine. L’acte d’achat fait sens  ».

En vendant sans intermédiaire, elle peut proposer ses bouquets à un prix abordable tout en margeant convenablement. Ses tarifs s’alignent sur ceux de revendeurs de fleurs cultivées à grande échelle aux Pays-Bas ou ailleurs. Fleurs qui, avec la flambée de l’énergie, voient grimper leur coût de production. Ainsi, son équation économique gagne encore en pertinence.

La floricultrice envisage même d’aller plus loin en fédérant des producteurs adeptes de ce modèle.

Après six saisons, elle dresse un bilan positif : « Plus les années passent, plus je suis confortée dans mes choix ! ».

Pierre-Yves Jouyaux

 Quand est-ce qu’elles reviennent ?

Si on lui demande d’évoquer son rapport aux fleurs, Émeline Declerck hésite… pas très longtemps : « Je ne sais pas répondre à cette question, pourtant elles sont tellement présentes dans ma vie.

Quand j’entre dans un champ maraîcher, je ne ressens pas grand-chose, par contre dans un champ de fleurs… Je pense à ces fins de journées avec un soleil rasant sur le champ, quand ça butine de partout. Je reste regarder ça, un pur bonheur ! En fin de saison, c’est vrai, je ne peux plus voir mes fleurs, mais au cœur de l’hiver, je me dis : « Quand est-ce qu’elles reviennent ? »  […] Avant, dans les jardins, il y avait toujours un carré de fleurs et un ou deux bouquets dans la maison. J’ai juste envie d’en produire de pas trop chers, que les gens puissent s’en offrir même si c’est ‘non-essentiel’ comme on nous le disait pendant le Covid. Regarder des films, écouter de la musique : ça non plus ce n’est pas essentiel, mais on en a besoin.

On peut encore s’acheter des fleurs sur le marché, tant mieux. Quand on pose le bouquet au milieu de la table, ça change toute la pièce ! »


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