Les pommes n’attendent pas

2023 est marquée par une chute précoce et massive des pommes. Sur le terrain, les producteurs comme Corinne Rousseau et Jean-Marc Camus, pris de court, s’adaptent.

17916.hr - Illustration Les pommes n’attendent pas
Ce 23 octobre, Dominique Biche et Jean-Marc Camus montrent la précocité et l’importance de la chute des pommes dans les vergers.

À la Cidrerie de la Baie à Planguenoual (22), la récolte des pommes a débuté avec un mois d’avance. « Nous avons été surpris. Partout dans les vergers, ça dégringole à tout-va. Je n’avais jamais vu cela en 20 ans de carrière », démarre Jean-Marc Camus en traversant ses rangées d’arbres en cette fin octobre. En effet, certains pommiers n’ont déjà pratiquement plus aucun fruit sur les branches. « Nous avons commencé à ramasser vers le 20 septembre, vingt jours plus tôt que d’habitude. Nous sommes déjà passés récolter une fois dans tous les vergers. » Généralement, chez lui, la récolte s’étire du 10 octobre à la mi-décembre. « Du coup, en ce moment, c’est la course. Tout est mûr. Y compris certaines variétés tardives comme la Judor déjà par terre ! » 

Difficile de tout ramasser

« Il y a urgence car les fruits ne se conservent pas bien au sol. Naturellement, ils se ramollissent. » Il devient impossible d’adapter la vitesse de récolte à un rythme si soutenu de chute des pommes dictée par « le climat » et la nature. « Au départ, nous espérions tout ramasser. Mais ne travaillant pas la nuit, le défi semble très difficile à relever. » Et peu concevable de trouver une autre machine en renfort puisque tout le monde subit le même phénomène. « Les journées de travail sont longues. Et malgré tout, nous n’aurons pas le temps de tout ramasser », assure, lucide, le Costarmoricain. « Sans compter que le risque de voir la proportion de fruits pourris augmenter est évident. » Pour éviter toute pénalité appliquée par leur acheteur, avec un tel volume par terre en si peu de temps, il a fallu embaucher de la main-d’œuvre supplémentaire au tri pour garantir la qualité. 

S’empresser de presser

En parallèle, en plus de ces 8,5 ha de pommes sous contrat d’apporteur, Corinne Rousseau et Jean-Marc Camus valorisent également en vente directe 2,6 ha transformés en cidre fermier. « Cette année, nous avons commencé à presser le 24 octobre. D’habitude, nous démarrons vers le 11 novembre », précisent-ils. « Comme il fait encore très doux, il va falloir refroidir les cuves, peut-être même retirer des levures, pour éviter des départs en fermentation trop rapides. », reprend Jean-Marc Camus. Ces attentions particulières seront évidemment synonymes d’une charge de travail supplémentaire. « Pour assurer à la cidrerie, les nuits vont être courtes. » Le producteur insiste : « Cidrier est un métier où il faut prendre son temps. Si tu laisses galoper un cidre, à la fin, c’est de l’eau. Une fermentation lente et qui ne s’arrête pas pendant des mois permet de développer tous les arômes potentiels de tes pommes. » 

Dès que les usines ont ouvert leurs portes, les producteurs-livreurs se sont mis à ramasser. Mais Jean-Marc Camus s’inquiète davantage pour les cidriers fermiers qui ne sont pas équipés « de froid », contraints de démarrer dans leur cave bien plus tôt que prévu, notamment « les jeunes qui se lancent et n’ont encore pu investir » dans le matériel nécessaire. 

Un bon taux de sucres

« Pour ralentir les fermentations, ils pourront alors filtrer, centrifuger… Des opérations plus chronophages à mettre en œuvre. » Dans cette course éperdue contre la montre pour rentrer les fruits, il y a tout de même une bonne nouvelle cette année. « La qualité est au rendez-vous avec un beau taux de sucres dans l’ensemble. Nous rentrons la production de variétés de goût qui vont permettre de réaliser de bons assemblages. »

Un coup de chaleur déclencheur en septembre (opinion)

Si l’on observe les données météo, il a fait 18 °C de moyenne de juin à septembre en Bretagne. Surtout, la semaine de septembre qui a vu les thermomètres dépasser les 30 °C a stressé les arbres partout. Ce coup de chaud a provoqué le déclenchement du processus de maturité bien plus tôt que d’habitude. Tous les vergers étaient en avance, aussi bien dans la zone précoce (Vannes, Auray, Lorient), que dans les zones intermédiaires (bassin rennais) ou plus tardives (Lamballe, Paimpol, Centre-Bretagne).

À l’arrivée, en termes de taux de chute, on note 21 à 35 jours d’avance par rapport à une année classique. Dans ce contexte, le coup d’œil du producteur est primordial pour observer ses vergers, démarrer tôt le ramassage et garantir une bonne conservation de fruits qui évoluent vite au sol.


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