Des témoignages dramatiques suite au passage de la tempête se sont diffusés dans la campagne bretonne dès le jeudi matin. Tels ces éleveurs impuissants pour venir au secours de leurs bêtes qui ont dû avoir recours au vétérinaire pour euthanasier des vaches blessées coincées sous les charpentes effondrées.
Mesurer sa chance
À comparer, quelques plaques de fibro envolées tiennent de la chance. Une chance que mesure bien Michel Rannou, éleveur à Sizun (29), quand il voit et entend « parler de tous les dégâts autour. Même le lait a été collecté car la génératrice a réussi à le refroidir ».
Jugeant « stressantes » les prévisions météo avec des rafales annoncées à plus de 170 km/h, cet éleveur avait pris les devants. « Avant l’arrivée de la tempête, j’ai passé la journée à vérifier les éléments ayant de la prise au vent, réalisé un peu de bricolage pour solidifier et ranger ce qui traînait pour éviter les projections. J’ai déplacé les génisses, encore dehors, dans un champ plus abrité. »
Après la longue nuit balayée par Ciaran, finalement « pas trop de dégâts si ce n’est la porte de l’étable endommagée ». Mais par contre plus d’électricité, de téléphone, d’Internet… « J’ai remis en marche la vieille génératrice achetée par mon père après l’ouragan de 1987… Elle est actionnée par le tracteur pour alimenter la ferme et la maison. Il faut compter un demi-plein de tracteur par jour. Heureusement que mes voisins avaient du GNR pour me dépanner car ma cuve a été rapidement à sec. »
Dans ce quotidien perturbé, un peu coupé du monde, retrouver les nouvelles grâce à un poste radio à piles a été agréable, confie le Finistérien. Quatre jours après la tempête, les choses sont loin d’être rentrées dans l’ordre : « Nous venons de récupérer Internet, mais toujours pas d’électricité. Une livraison de GNR est attendue mais nous ne sommes pas prioritaires. Pour ne pas trop la solliciter, je fais tourner la génératrice – qui perd de l’huile – seulement de 7 h à 11 h et de 16 h à 19 h. Elle n’a jamais autant tourné… »
23 000 carreaux cassés
Plus au nord, toujours dans le Finistère, les structures de cultures sous abri ont payé un lourd tribut avec les rafales de vent. Chez Savéol, on estime que sur les 125 producteurs que compte la coopérative, 90 % ont été touchés « à divers niveaux. Une serre de Saint-Renan est très endommagée, on compte 23 000 carreaux de verre cassés », chiffrait Pierre-Yves Jestin, président de Savéol, mardi dernier.
Maigre consolation pour les producteurs de tomate, Ciaran a soufflé à une période de l’année où « la saison est globalement terminée, hormis chez les producteurs en bio qui finissent leurs récoltes plus tardivement ». Aujourd’hui, les équipes de réparation s’affairent à réparer les dégâts. Les serristes peuvent compter sur une trentaine de réparateurs déployés sur le Finistère et les Côtes d’Armor. « Nous sommes en cours d’organisation pour l’affrètement de camions afin de faire venir des profilés et du verre ». Le président espère un retour à la normale dans les 3 à 4 semaines à venir, et invite les serristes « à prendre le maximum de précautions, en faisant tomber les carreaux en position délicate à distance, avec une perche et en portant un casque ».
Prudence sur les toits
« Les dégâts sur les bâtiments agricoles sont importants sur le Finistère. Il y a déjà des pénuries de plaques de fibro-ciment dans les magasins. Les livraisons de bois sont compliquées… Nous nous demandons qui sera prioritaire pour l’accès à ces matériaux », détaillait en début de semaine Alexandre Castrec, éleveur laitier à Kersaint-Plabennec (29) et président de JA 29. Il invite les agriculteurs qui s’attaquent aux réparations à faire preuve de prudence. « Les toitures sont abîmées, humides et donc très dangereuses. Il faut sécuriser au maximum les interventions. »
Sur son exploitation, une quarantaine de plaques se sont envolées sur deux bâtiments. « J’ai eu une coupure de courant qui m’a empêché de faire la traite le jeudi matin. Ensuite, un voisin m’a prêté une génératrice, le courant était revenu pour la traite du vendredi soir. Je connais trois élevages laitiers qui se sont organisés pour se partager une génératrice. Les premiers se levaient plus tôt… » Par ailleurs, certaines fermes « ont dû jeter leur lait qui n’a pas pu être collecté le lendemain de la tempête ou qui n’a pas été correctement conservé du fait des coupures d’électricité. » Des dégâts sont aussi recensés dans les parcelles de maïs grain « où les plantes couchées ne pourront sans doute pas être récoltées. »