USA : un géant agricole qui court à sa perte

Le déclin de l’empire américain… telle est aujourd’hui la réalité agricole d’un pays qui épuise ses ressources en eau.

18091.hr - Illustration USA : un géant agricole qui court à sa perte
Irrigation dans un champ de coton. Crédit photo : conzorb - stock.adobe.com

Les USA voient leurs parts de marché régulièrement reculer sur le marché mondial, que ce soit en blé, en maïs ou en soja(1). D’une part, la hausse des rendements n’est plus suffisante pour répondre à la forte demande internationale. D’autre part, les difficultés logistiques deviennent récurrentes. Dénominateur commun : l’eau !

Perte de compétitivité

On parle actuellement beaucoup du Mississipi, qui manque cruellement d’eau pour la
deuxième saison consécutive. Les agriculteurs peinent à écouler leur marchandise et doivent la stocker à prix d’or pour certains, alors même que le renchérissement du fret entraîne une baisse du prix payé dans les campagnes. Ordinairement, les barges représentent l’équivalent de 80 camions, ce qui en fait le transport le moins coûteux au monde. Mais avec les basses eaux, le taux de remplissage tombe à 50 % dans certains points de chargement. Vu la faible disponibilité des marchandises en bout de chaîne, les prix à l’exportation augmentent, limitant la compétitivité du pays sur la scène mondiale.

Des sécheresses récurrentes

Rappelons que sans le Mississipi, les USA ne seraient pas devenus cette énorme puissance commerciale. En se grippant, cette mécanique bien huilée depuis des décennies met en danger une partie importante de l’agriculture américaine. Mais pas que. En effet, le fleuve n’est pas assez puissant à son embouchure pour rejeter l’eau salée qui remonte, et s’infiltre dans les réseaux d’eau potable, forçant certaines populations à acheter de l’eau en bouteille. 

Surconsommation des aquifères

Ce qui inquiète, c’est que nous ne sommes plus sur des sécheresses historiques qui se produisaient tous les 25 ans, mais sur des épisodes qui deviennent récurrents. Mais le Mississipi est l’arbre qui cache la forêt ! Car le plus grave, c’est la sur-consommation des aquifères(2) dans tout le pays. On parle souvent de miracle agricole lorsque l’on évoque la production de maïs aux USA. La progression quasi exponentielle des rendements depuis la Seconde Guerre mondiale est expliquée par les progrès génétiques et l’explosion de l’utilisation des intrants, passant sous silence les quantités phénoménales de pluies souterraines à disposition… qui ont permis cette expansion.

Car c’est la richesse de ses eaux souterraines qui a contribué à la création de l’Amérique, de ses vastes villes et de ses terres agricoles généreuses. Or aujourd’hui, les Américains dilapident cet héritage, d’après des recherches menées en 2022 par une équipe de journalistes du New York Times, qui ont compilé des milliers de chiffres pour argumenter leur propos. Des données qui ne sont pas compilées par le gouvernement, qui laisse à chaque État le soin de gérer ses réserves en eau, et qui n’a donc aucune vision globale de l’étendue des dégâts…Résultats des investigations : près de la moitié des dizaines de milliers de puits de surveillance ont vu leur niveau baisser de manière significative au cours des 40 dernières années, car on a pompé plus d’eau que la nature ne peut en reconstituer. La baisse s’accélère ces dernières années et n’épargne aucune région, même si les déclins sont particulièrement évidents dans les États de l’Ouest, dans certaines parties du bas du Mississippi et dans le centre de l’Illinois, ainsi que le long de la côte Atlantique.

On a pompé plus d’eau que la nature ne peut en reconstituer

L’enquête révèle donc que « cette ressource vitale de l’Amérique est en train de s’épuiser dans une grande partie du pays, et que dans de nombreux cas, elle ne reviendra pas ». Cela met en danger non seulement le potentiel agricole, mais aussi industriel du pays tout comme la survie de villes tentaculaires.

En ce qui concerne les États greniers à blé qui dépendent d’un des plus grands aquifères au monde, l’Ogallala, le potentiel de production est en danger. Des parties de cette nappe d’eau qui s’étend sous 8 États, ont atteint l’année dernière leur niveau le plus bas depuis le début du programme de surveillance par satellite de la Nasa.

Patricia Le Cadre / www.cereopa.fr

(1) En moyenne depuis 2021, les États-Unis ont exporté 10 % du blé vendu dans le monde, 29 % du maïs, 33 % des graines de soja.

(2) Un aquifère est un sol ou une roche réservoir contenant une nappe d’eau souterraine et suffisamment perméable pour que l’eau puisse y circuler librement.

Cultures gourmandes en eau

L’épuisement de l’eau souterraine est à peine réglementé outre Atlantique. Il n’y a donc pas eu de frein à l’expansion de cultures très gourmandes en eau comme la luzerne, le coton, les amandes ou le maïs dans les régions sèches, ni à la dépendance excessive à l’égard des eaux souterraines des zones urbaines à croissance rapide. Les choses commencent à bouger comme en Arizona où les autorisations de construire des maisons dans la région de Phoenix sont gelées. Mais côté agricole, c’est le néant !

Or le changement climatique amplifie le problème aussi bien dans les périodes de sécheresse que d’inondations (l’eau s’écoule rapidement vers l’océan, avant de pouvoir rejoindre l’aquifère). Un cercle vicieux infernal qui rend cette stratégie de fuite en avant des USA autodestructrice. Si on ajoute à ce tableau peu réjouissant que les sols se fissurent suite à l’affaissement des aquifères et que la probabilité d’une contamination à l’arsenic des nappes phréatiques augmente avec la profondeur des puits, on comprend qu’il y a urgence à prendre ce sujet au sérieux.


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