Voyage avec un compagnon de la Libération

Ils sont 1 038 compagnons de la Libération. Tous soigneusement choisis par le général de Gaulle. Jean Jestin, paysan brestois, faisait partie de cette cohorte d’honneur qui s’est levée contre Pétain.

17959 hr - Illustration Voyage avec un compagnon de la Libération
Louis Jestin, auteur de « Notre terrible aventure ».

C’est l’histoire d’un homme ordinaire qui est en réalité extraordinaire. Jean Jestin n’a que 20 ans quand, en juin 1940 avec 3 copains, il quitte la ferme familiale pour l’Angleterre. Le début d’une « Terrible aventure » qu’a racontée Louis Jestin, son neveu et ancien conseiller de la Chambre d’agriculture du Finistère, dans un récit qui vous plonge dans le périple de 40 000 km entrepris par son oncle à travers terres et mers.

Un périple de 40 000 km entrepris à travers terres et mers

Les 3 Jean partent sur-le-champ

Le 19 juin 1940, un jour après l’Appel du général de Gaulle, la cinquième Panzerdivision entre dans Brest. Au même moment, sur l’autre rive de la Penfeld, à Saint-Pierre Quilbignon, Jean Jestin et ses copains – Jean Vénec et Jean Gourmelon – prêtent une oreille attentive au propos du buraliste local et ancien combattant de 14-18 : « Si j’avais votre âge, je partirais ». Sitôt dit, sitôt fait. Les trois Jean décident de partir, le jour même. Ils marchent jusqu’au Conquet pour rejoindre Ouessant, puis destination Plymouth avant de gagner Londres.

« Jean Jestin fait partie de ce millier de réfugiés civils arrivés en Angleterre en juin 1940 qui ont dit non à Pétain », raconte Louis Jestin qui s’est appuyé sur les témoignages de copains de son oncle et d’une abondante correspondance soigneusement conservée dans les archives familiales. « Je ne l’ai jamais connu. Au travers ce livre j’ai simplement voulu lui rendre hommage, à son courage et à son esprit épris de liberté qui l’ont conduit à s’engager très tôt dans les Forces françaises libres », poursuit son neveu avec une certaine émotion mêlée de fierté pour celui qui porte son patronyme.

Endurer, résister

Après 9 mois de formation militaire en Angleterre sonne l’heure du départ pour les colonies d’Afrique qui se sont ralliées à la France libre. Avec son groupe, le jeune Breton embarque d’Écosse sur le Higland Monarch qui entame un premier périple jusque Gibraltar. Après une semaine de pause, le paquebot reprend la mer, destination le Sierra-Leone, une colonie anglaise. « Le véritable visage de l’Afrique s’impose à Jean Jestin et ses copains ». Mais l’aventure ne fait que commencer…

Le temps de changer de bateau, les jeunes Français libres embarquent vers l’AEF, l’Afrique équatoriale française. Ils longent alors les côtes du Libéria, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigéria actuels. Après deux mois de mer, ils accostent à Pointe-Noire, au Congo, où ils goûtent brièvement aux joies des bains en eaux tropicales. Un ‘repos du guerrier’ avant que ne commence un dur entraînement militaire encadré par des gradés adeptes d’une discipline de fer inepte. À quoi s’ajoute la dure vie en terre africaine qui éprouve les corps des jeunes Bretons peu préparés à endurer la forêt dense et étouffante, les chiques (ces vers qui se logent entre les doigts de pied), les herbes de la savane tranchantes comme des lames de rasoir qui ouvrent des plaies difficiles à guérir ; et puis les moustiques. Ces moustiques qui vous boursouflent le visage jusqu’à vous rendre méconnaissable. Et, pour couronner le tout, des crises de palu qui vous clouent au lit avec une forte fièvre.

De l’Afrique de l’Ouest au Moyen-Orient

Ce récit qui fait voyager le lecteur de la côte ouest de l’Afrique vers le Proche-Orient, en passant par le Sud-Soudan, s’avère particulièrement passionnant par la tournure aventure qu’a su donner Louis Jestin au livre. Pour mieux faire revivre ce périple et mieux s’imprégner de cette histoire, l’auteur a d’ailleurs pérégriné sur quelques tronçons empruntés par son oncle.

C’est lors de ce cheminement de plusieurs milliers de kilomètres que le caporal Jestin croise des animaux inconnus à Saint-Pierre Quilbignon : crocodiles du Nil, éléphants, flamants roses ; mais aussi le curieux peuple Masaï, ces Africains longilignes de près de 2 mètres portant de nombreux colliers et armés d’une grande sagaie. Un vrai voyage d’exploration… s’il n’y avait pas la guerre.

Syrie, Liban, et bientôt Afrique du Nord, les frontières de l’Europe se rapprochent désormais pour les Français libres, pressés d’en découdre avec les envahisseurs nazis. Mi-avril 44, le jeune Breton débarque en Italie où les batailles se succèdent. Les Français sont accueillis en libérateurs.

Août 1944, revoilà la terre promise, la France. Louis Jestin entraîne le lecteur dans la prise du Mont Redon, près d’Hyères. La bataille fait rage. C’est là que son oncle est atteint d’une rafale de mitraillette en plein ventre. La fin d’une « Terrible aventure » dont il en reste la flamme éternelle : le combat d’une vie pour la liberté. 

Une rue porte son nom

Jean Jestin décède dans la nuit du 23 au 24 août 1944. Il est inhumé dans le cimetière militaire de La Londe Les Maures. Il reçoit les honneurs et la croix de Compagnon de la Libération à titre posthume. L’année 1949 est marquée par le transfert de son corps à sa Bretagne natale. Une rue de Brest porte aujourd’hui son nom.


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