Élevage Le Tinnier, à Merléac (22)
« Je me pose toujours des questions. Comme par exemple comment faire mieux en termes de croissance des génisses en étant efficace dans le travail », explique Pierre Le Tinnier, salarié sur l’élevage familial depuis six ans. Il prépare son installation depuis plusieurs années. Sur cette ferme de 50 laitières et 68 ha de SAU dimensionnée « pour 1 à 1,5 UTH » dirigée aujourd’hui par sa mère, il n’hésite pas à faire déjà bouger les lignes, à tester.
Qui pèse réellement ses veaux à la naissance ?
De la paille broyée dans les râteliers des petits
Pour trouver des réponses, le passionné fait partie, entre autres, d’un groupe de sept jeunes éleveurs constitué par les vétérinaires du secteur. « En début d’année, lors d’une de nos journées d’échanges techniques, le consultant Stéphane Daval est intervenu sur le veau. Il n’a pas été question de tout réinventer mais plutôt d’insister sur les incontournables fondamentaux. Ces derniers, quand on les connaît, il n’y plus qu’à les appliquer. » Par exemple ? Une niche doit être toujours bien chargée de paille pour que le jeune veau soit isolé de l’humidité du sol et ne risque pas de souffrir du froid. Disposer des nourrisseurs dans les igloos collectifs pour que l’aliment soit à disposition à volonté. « Dans la nature, un bovin mange d’abord par terre, tête vers le bas. J’ai abaissé les râteliers à paille et scié des barreaux pour favoriser la consommation. » Du kaolin, une idée héritée de l’élevage de veaux de boucherie auparavant, est proposé les premiers jours de vie pour soutenir le fonctionnement digestif. Autre piste bientôt suivie : passer à la paille d’orge broyée (grâce à une pailleuse de poulailler) pour les taries et les veaux : « Les jeunes vont certainement mieux ingérer la fibre. On recommande souvent des brins de 7 cm pour que les vaches en lactation consomment bien, mais l’habitude sur les élevages est de distribuer de la paille entière aux petits veaux qu’ils ne mangent pas… Cela interpelle. » Par ailleurs, les lignes de dos (voire parfois tout le corps) sont également régulièrement tondues durant la phase de croissance : « Les génisses transpirent vite et risquent toujours un coup de froid ensuite. Cela leur fait un poil beau et propre. »
Améliorer la phase lactée pour atteindre 1000 g de GMQ
« Nous visons 900 à 1000 g de GMQ sur les jeunes génisses. Aujourd’hui, nous plafonnons à 800 g. Il y a encore des progrès à faire, notamment sur la phase lactée. L’idée est d’avoir une croissance très poussante sur la période 0-3 mois sans pour autant faire des petits boudins… » Sur l’élevage, les buvées se font à la poudre de lait. « Depuis des années, nous travaillions avec la même référence fournie par Coréal : un produit titrant 25 % de protéines et contenant 60 % d’ingrédients laitiers qui nous convient parfaitement. » Historiquement, à partir de trois semaines, les veaux passaient à une buvée par jour. Depuis un mois, les éleveurs ont décidé de poursuivre le plan d’allaitement à deux repas par jour en passant de 800 g à 1 kg de poudre par génisse et par jour après trois semaines d’âge. « L’idée est de conforter les croissances en insistant sur le lait. Mais pour assimiler une telle quantité, il était important de conserver deux buvées quotidiennes. Cela me demande 10 minutes de travail en plus le soir. Pas davantage, puisque je prépare déjà quelques seaux pour les veaux les plus jeunes. »
Sur le tracteur, un peson pour gagner en précision
Le sevrage intervient à partir de 10 semaines d’âge. Il est déclenché en fonction du poids vif de l’animal. « Je continue à donner 2 L de buvée par jour jusqu’à ce que la génisse ait atteint 100 kg. » C’est un postulat souvent entendu : on ne gère bien que ce que l’on mesure. « Mais qui pèse ses veaux à la naissance ? Tout le monde considère qu’un nouveau-né pèse 45 kg de moyenne dans les livres… », interpelle Pierre Le Tinnier. Dans la réalité, ce dernier note que certaines femelles font plutôt 40 kg : il en sait quelque chose, depuis six mois, il pèse systématiquement toutes les femelles à la naissance puis à nouveau à l’âge de 2 à 2,5 mois avant le transfert des igloos vers la stabulation génisses (un ancien bâtiment pour veaux de boucherie réaménagé en cases pour 3 ou 4 femelles). L’approximation peut paraître anecdotique mais elle a une incidence importante sur le calcul du GMQ effectif ensuite. « Pour autant, il ne faut être trop impatient en termes de croissance. Certains veaux peuvent stagner un peu les premiers jours. L’important est d’être dans les clous quelques semaines plus tard. »
Auparavant, le jeune homme contrôlait les croissances au ruban barymétrique. Désormais, toutes les génisses sont pesées à l’aide d’un harnais et d’un peson accrochés au chargeur du tracteur. « Ce contrôle de performance maison n’est pas très contraignant. Avec l’aide de l’apprenti, nous intervenons à deux : l’un sur le tracteur, l’autre avec l’animal pour éviter qu’il se blesse en bougeant. » Aussitôt, le poids est saisi sur l’interface iCownect.
La qualité de colostrum est un bon indicateur de la maîtrise de la période sèche.
Le réfractomètre, un outil précis et rapide à utiliser
Chez les veaux, le Costarmoricain considère que 90 % des problèmes, notamment digestifs, sont à relier avec la prise colostrale : défaut de quantité ou de qualité. « Après avoir testé le pèse-colostrum et les Colostro Balls, j’évalue désormais tous les premiers laits au réfractomètre. C’est un outil précis, simple et rapide à utiliser. Il s’agit de s’assurer d’un bon transfert immunitaire vers le nouveau-né. On en connaît l’importance pour la forme et la croissance futures de l’animal », explique l’éleveur. La mère est ainsi traite et le colostrum réchauffé est apporté au biberon (4 L).
À l’arrivée, même si le jeune homme, perfectionniste, espère atteindre de meilleures croissances des jeunes femelles bientôt, les indicateurs sont au vert : « Nous ne perdons pas de veau. Les génisses sont au rendez-vous des 200 kg à six mois et l’âge moyen au premier vêlage est de 25 mois. »