Ces dernières semaines, des remorques et des tonnes ont vidé leurs flancs de fumier et de lisier en direction de l’Administration. Symboliquement, et comme ce fut le cas en 2016, l’acte n’est pas anodin. C’est une manière symbolique de déverser sa colère sur ce que l’on considère comme responsable de ses malheurs, mais aussi de traduire ses craintes. Traiter quelqu’un de fumier relève d’une métaphore similaire.
Il est vrai qu’actuellement les agriculteurs sont angoissés, alors que, paradoxe, les clôtures d’exercices sont globalement meilleures et que les trésoreries se sont confortées dans les principales productions bretonnes (porc et lait en particulier). Pourtant, ce sont les éleveurs qui sont en première ligne des manifestations. Et notamment les jeunes. Alors pourquoi ? Parce que les agriculteurs ont face à eux un horizon brouillé.
Les agriculteurs ont face à eux un horizon brouillé
Les motifs ne manquent pas. Il y a bien sûr ce millefeuille administratif dénoncé avec constance depuis plus de 20 ans. Or la France ne montre aucun signe de sevrage à cette addiction bureaucratique, à l’image du prochain programme d’action régional nitrates dont la « concertation préalable » s’est terminée dimanche dernier. Mais il y a sans doute quelque chose de plus insidieux qui taraude le moral des agriculteurs : l’incapacité à décrypter l’avenir. Entre le militantisme anti-élevage, les accords de libre-échange qui menacent la production locale, l’ouverture de l’Europe aux pays de l’Est, la pression sur les prix alimentaires, le déficit de main-d’œuvre, la hausse des charges : les motifs d’inquiétude sont nombreux. Sans oublier qu’avec le départ de nombreux agriculteurs à la retraite, naît dans certains secteurs de Bretagne un sentiment d’isolement professionnel. Ils sont là, confus, entremêlés mais réels, les motifs d’inquiétude qui se traduisent par de la colère.