L’épopée de l’or rose de Roscoff

En presque quatre siècles d’implantation dans le Léon, l’oignon rosé de Roscoff a connu l’aventure des conquérants marquée par deux retours en grâce. Une histoire que raconte Joseph Séité dans un livre à sortir ces jours-ci.

18242.hr - Illustration L’épopée de l’or rose de Roscoff
Chantier de récolte manuel. Crédit photo : Jean Pierre Voxeur.

L’oignon de Roscoff est indissociable d’une autre plante qui, jadis, fit la richesse de cette ville : le lin. « L’oignon a l’avantage de bien se conserver sur les bateaux. Aussi, un moine capucin, voulant alimenter les marins faisant commerce de toiles de lin, a-t-il fait venir de la graine du Portugal. Ainsi démarre, en 1647, la culture de cette plante sur la commune », raconte Joseph Seité qui vient de terminer un ouvrage sur le légume emblématique de la commune.

Croquant et juteux

« Je n’avais aucune vocation à écrire un livre sur l’oignon de Roscoff », explique l’auteur qui a aussi été maire de la commune pendant 25 ans et élu municipal pendant 43 ans. « Puis une rencontre fortuite, par l’entremise de la patronne d’un restaurant de la ville, avec l’éditrice de la maison Flandonnière spécialisée dans la publication de livres sur le terroir, m’a finalement convaincu », poursuit l’ancien édile qui est par ailleurs Grand maître de la Confrérie de l’oignon de Roscoff. « Et, faire partie de la confrérie engage à être ambassadeur. En rédigeant ce livre, j’apporte ma modeste contribution pour faire la promotion de ce beau légume qui compte beaucoup pour le rayonnement de Roscoff ».

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Joseph Seité

Bien plus que ses volumes – 4 300 t sur les 600 000 t consommées en France – c’est son image généreusement cultivée qui a forgé la notoriété de l’oignon de Roscoff. « Sans oublier ses qualités gastronomiques et gustatives », insiste Joseph Seité qui ne manque pas de mots pour décrire ce légume « doux et fruité, à la fois croquant et juteux. Et qui plus est, garde ses qualités à la cuisson ».

Le premier Johnny en 1828

Quand bien même il possède des qualités culinaires indéniables, l’oignon nord-finistérien aurait bien pu s’évanouir à deux reprises dans les limbes d’une tradition disparue. Sur son chemin, il y eut d’abord le fin de l’activité linière en Bretagne au début du XIXe siècle, victime de la révolution industrielle qui impose tissage mécanique et abandon de la voile pour la vapeur. Dès lors, la production locale d’oignon décline. Mais fidèle à leur maxime « A rei, a skei, a tao » (donne et frappe toujours), les Roscovites trouvent la parade : traverser La Manche pour vendre la production locale. « Le premier à tenter l’aventure s’appelle Olivier Henri. C’était en 1828. Il est le premier Johnny », retisse Joseph Seité. « Entre les deux guerres, 1 500 petits agriculteurs et salariés du négoce qui n’avaient pas de travail en hiver partaient ainsi chaque année après le pardon de la Sainte-Barbe en juillet, jusqu’à Noël. Ils ont conquis progressivement le sud de l’Angleterre, le Pays de Galles, puis l’Écosse ».

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Le nettoyage permet de révéler la belle tunique du rosé de Roscoff. Crédit photo : L’œil de Paco.

Une caisse d’oignons à Chirac

Le protectionnisme qui prévaut en Grande-Bretagne après-guerre a progressivement raison de ce commerce florissant qui fait « l’or rose des Johnnies ». Des derniers vendeurs arpentent cependant les rues des principales villes du Royaume-Uni jusque les années 90-95. La culture de l’oignon de Roscoff se replie une nouvelle fois comme la mer se retire à marée basse. Mais c’est sans compter sur quelques caractères nord-finistériens bien trempés. Des légumiers ont en effet l’idée de s’inspirer de la grappe des Johnnies en conditionnant les oignons en tresse de 1 kg. Nouveau départ pour cette plante potagère qui vise désormais l’AOC. Nous sommes à la fin des années 90.

Il fallait de l’audace, être courageux

La route sera longue, semée d’embûches, mais aussi avec de divines surprises. « Il fallait de l’audace, être courageux », reconnaît admiratif Joseph Seité qui, à l’époque, accueille toutes les réunions à la mairie, « en terrain neutre », pour que ne compte que la défense de l’oignon local, rien que l’oignon local. La ténacité des défenseurs de cette boule d’or rose fait le reste… « Le livre rend entre autres hommage à ces personnes qui se sont battues, tel Robert Jézéquel, le premier président du syndicat de défense de l’oignon de Roscoff, qui, avec ses coéquipiers de la première heure, a dû faire face au mur des experts de l’INAO qui tiquaient à attribuer l’AOC. Jusqu’à ce que Robert, grâce à l’appui du sénateur-maire de Quimper d’alors, Alain Gérard, envoie un colis d’oignons à Chirac. Faut-il y voir la raison de la levée du verrou ? Toujours est-il qu’après les choses se sont décantées, que l’AOC a été obtenue en 2009, suivie de l’AOP en 2013 ».

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L’oignon AOP est vendu en tresse comme le faisaient les Johnnies.

Au cœur de la vie culturelle

Dix ans plus tard, Roscoff et son oignon font union sacrée. Comment pouvait-il en être autrement quand on sait que le mot oignon dérive du latin impérial unus, un. Roscoff et son oignon ne font désormais qu’un. La vie culturelle de la commune s’articule tout entière autour de son légume fétiche : Maison des Johnnies et de l’oignon installée dans une ancienne ferme du centre-ville ; fête de l’oignon le 3e week-end d’août ; déambulation hebdomadaire des membres de la confrérie dans les rues de la ville ; sans oublier la belle place que lui réservent sur leur table les restaurateurs de la cité corsaire.

Une histoire, un livre

Le nouvel opus « L’oignon de Roscoff, l’or rose des Johnnies » paraît dans la collection Clés du terroir, des éditions de la Flandonnière. Une idée cadeau pour Noël pour ce « beau livre » émaillé de nombreuses photographies.

184 pages – 30 € – editionsdelaflandonniere.com


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