Conduite sur 2 ans par l’Inrae, la prospective « Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 » a été présentée par Olivier Mora, chef de projet, lors du colloque sur la réduction des phytosanitaires, organisé par les Chambres d’agriculture de Bretagne (voir aussi page 2-3). 144 Européens (scientifiques, ONG, agriculteurs, agroalimentaire, agroéquipement, collectivités…) ont été associés.
Deux grands principes ont guidé cette prospective : le constat des effets limités des politiques publiques européennes menées par le passé ; la transition nécessiterait la transformation simultanée des différentes composantes des systèmes alimentaires. « Les consommateurs notamment auraient un rôle considérable à jouer par la modification de leurs régimes alimentaires. »
Trois stratégies ont été élaborées. Le scénario 1 (S1) prévoit des chaînes alimentaires mondiales et européennes basées sur les technologies numériques (capteurs, robots…) et l’immunité des plantes (stimulateurs de défense, biostimulants, sélection variétale…) pour un marché alimentaire sans pesticides chimiques. Le scénario 2 s’oriente vers la gestion de l’holobionte (plantes cultivées en symbiose avec les micro-organismes) en renforçant les interactions hôte-microbiote. Il projette une diversité régionale des structures d’exploitation et des chaînes alimentaires européennes.
Le scénario 3 s’appuie sur la conception de paysages complexes adaptés aux conditions locales et à leurs évolutions, en augmentant la biodiversité à tous les niveaux. « Le paysage est conçu comme une mosaïque modulable de cultures diversifiées intégrées dans une matrice fixe d’habitats naturels et semi-naturels (20 % des surfaces). Les chaînes alimentaires sont alors régionales. »
Besoin variable de connaissances
Selon les scénarios, le besoin en connaissances varie. Le S1 peut s’appuyer sur les acquis « concernant les mécanismes d’action moléculaires et la résistance partielle aux ravageurs ». Le S2 nécessite le plus gros travail pour identifier les communautés microbiennes importantes et déterminer les moyens de moduler les micro-organismes. Pour le S3, il existe déjà un important corpus de connaissances sur les mécanismes de diversification des cultures et de conception paysagère. « Et des projets de recherche sont en cours. »
Deux scénarios avec un changement alimentaire
Les chercheurs se sont aussi intéressés aux aspects souveraineté alimentaire de l’Europe. Avec le S1, la transition serait possible sans transformation des régimes alimentaires, mais ce serait au détriment des exportations européennes. « Dans les S2 et S3, les Européens consomment moins de calories, avec moins d’aliments d’origine animale. Le volume de production baisse, mais les usages diminuent plus que la production et l’Europe n’est plus importatrice nette comme en 2010 mais exportatrice nette en 2050. »