Du maïs pour l’élevage ou la production d’énergie ?

Agriculture nourricière ou énergie: il faut choisir... ou pas. Loïc Chesnais-Girard et André Sergent affichent des nuances d’analyse.

18755.hr light - Illustration Du maïs pour l’élevage ou la production d’énergie ?
Produire de l'énergie sur les exploitations bretonnes

Dans certains secteurs, la méthanisation et l’élevage sont en concurrence sur le foncier. Que préconisez-vous pour rééquilibrer ces territoires en faveur de l’élevage ? Ou faut-il « forcer » sur la production d’énergie au détriment de l’agriculture nourricière ?

Loïg Chesnais-Girard : Le foncier agricole doit rester affecté à la production alimentaire en priorité, c’est un enjeu vital. La production d’énergie, ou de matériaux, doit être effectuée à titre secondaire. À défaut, nos discours sur la souveraineté alimentaire seraient vides de sens. Cultiver du maïs pour alimenter un méthaniseur est une folie. La Région ne soutient plus l’investissement en méthanisation depuis 2016. C’est à l’État d’établir des normes strictes, de les contrôler et de sanctionner les abus.

On observe actuellement que des financiers venant de l’extérieur investissent dans l’énergie renouvelable en Bretagne. Comment faire pour que l’agriculteur reste au cœur de cet élan et que la valeur ajoutée reste dans les zones rurales ?

André Sergent : Souveraineté alimentaire et énergétique sont deux sujets d’avenir majeurs. Le risque de concurrence sur le foncier est réel, singulièrement dans une région d’élevage. Mais au lieu de perdre du temps à les opposer, travaillons sur leur compatibilité et leur complémentarité. Covid et guerre en Ukraine sont des électrochocs nous rappelant que la souveraineté, c’est être souverain, donc pas aveuglément dépendants d’une alimentation importée, d’une énergie fossile ultra-coûteuse pour nos entreprises. Produire de l’énergie renouvelable, c’est un enjeu de pérennité de nos entreprises, c’est plus d’autonomie pour produire, pour diversifier nos revenus, pour contribuer à la transition énergétique des territoires, avec des acteurs impliqués dans la durée, qui fixent la valeur au territoire plutôt que dans les hauts de bilans de gros investisseurs peu concernés par le monde rural.
L. C.-G. : Les énergies renouvelables sont une chance pour la Bretagne, et nous aurons besoin d’investisseurs locaux comme extérieurs. Toutefois l’agriculture est un cas particulier. Elle recèle des gisements potentiels d’énergies renouvelables qui doivent profiter en priorité aux agriculteurs. Les énergies renouvelables sont un puissant levier pour la compétitivité de l’agriculture. C’est pourquoi nous privilégions l’aide aux projets en autoconsommation.

Quelles sont pour vous les 3 pistes concrètes majeures pour une agriculture décarbonée ?

L. C.-G. : Je suis d’avis de concentrer les efforts sur les mesures les plus efficaces afin de montrer que l’agriculture fait des efforts et obtient des résultats. De ce que je comprends des travaux scientifiques, les mesures les plus efficaces à court terme sont la couverture des fosses, le développement du bocage et la restauration des zones humides. Cela n’exclut évidemment pas d’autres actions.
A. S. : Comme tous les secteurs économiques, l’agriculture doit contribuer à la décarbonation de ses activités. Les pistes sont nombreuses. D’abord, l’efficience technico-économique, l’intensification et la productivité des facteurs de production restent fondamentaux. Ce ne sont pas des gros mots, y compris dans un système herbager ou biologique, même si on ne privilégie pas exactement les mêmes leviers. Les filières granivores ont aussi des leviers sur l’efficience technique, encore faut-il qu’on veuille encore du porc et de la volaille en Bretagne demain.
Nous sommes dans une région propice à l’herbe, là aussi, ne décourageons pas ces systèmes comme on est en train de le faire avec les MAEC. Enfin, il faut progresser sur le stockage du carbone en maintenant des haies, en travaillant sur la vie des sols, les techniques de cultures simplifiées et de conservation, la couverture des sols…


3 commentaires

  1. CSNM

    Il faut être aveugle pour ne pas voir que la méthanisation empiète déjà sur la production alimentaire, et qu’en proportion des milliards d’Euros de subventions injectées, elle ne fait rien sur la transition énergétique.

  2. Jacqueline MOLLÉ

    – est évoquée l »énergie fossile ultra couteuse … a t on étudié le cout nécessaire au développement d’un méthaniseur ? = subventions aux études + au développement/construction+ rachat du gaz produit x3 par rapport au gaz naturel = des milliards à multiplier x 10 sous peu du fait d’un rendement faible sans oublier les impacts pour la biodiversité, le climat .
    – plutôt que de diversifier les revenus des agriculteurs , permettons leur une meilleure rétribution de leur production (grande distribution)) = loi Egalim qui devait permettre de rééquilibrer les relations commerciales
    – c’est quoi les projets en auto consommation ? Surement pas les sites autorisant + de 100 t/j de matières entrantes pour faire tourner l’usine …
    – Sinon oui aux couvertures de fosses, au bocage,, aux zones humides, et à l’herbe broutée par les vaches…

  3. CSNM

    La méthanisation développée aujourd’hui ne couvre même pas le cinquième des variations de consommation de gaz naturel observée ces 4 dernières années. Et ce avec 1900 méthaniseurs en service !
    Si le schéma ADEME-GRDF est réalisé, il faudra des centaines de milliards d’Euros engloutis sous forme de subventions d’ici 2050. Plusieurs dizaines de Mds chaque année.
    Il suffit de regarder pour voir que la méthanisation ne vient pas en substitution du GN, et qu’on lance les cultures dédiées partout. Une aberration agronomique, écologique, énergétique, sociétale.
    Arrêtons donc le massacre des sols et la ruine des riverains.
    Le Collectif Scientifique National Méthanisation raisonnable
    cnvmch.fr/csnm

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