Avec des terres difficiles à labourer sur son exploitation de Guimiliau (29), Michel Le Gall a vu un signe. « Mon but a été de me passer de la charrue ». La ferme qui élevait auparavant des porcs s’est séparée de cette partie élevage pour ne se consacrer qu’aux cultures, « par passion de la terre et du matériel », résume l’agriculteur. Pour autant, pas question d’investir massivement dans un semoir ou dans divers outils, « le matériel de l’exploitation marche », explique le Finistérien lors d’une après-midi consacrée à l’agriculture de conservation des sols organisée par la Chambre d’agriculture. Le fait de lever le pied sur le travail des sols s’est rapidement avéré payant au niveau économique, une céréale demande pour être implantée « 5 L/ha de carburant. Mes consommations en ont été divisées par 8 ».
Tour de champ en voiture
En ne bouleversant pas la structure du sol, l’agriculteur obtient des champs portants. « On peut faire le tour des parcelles en voiture, visiter les cultures en chaussures », illustre-t-il. Les épandages d’effluents peuvent être effectués dès la sortie d’hiver. « Quand il y a de grosses pluies, l’eau qui s’écoule des champs est propre », signe d’une très bonne stabilité structurale. Pour ce faire, la couverture quasi permanente est pratiquée, « il faut avoir des racines en terre. La base est d’anticiper : on prépare les cultures de printemps en semant des couverts d’été ». Ce sol préservé est bénéfique pour les populations de vers de terre anéciques, « dont le cycle est de 400 jours. Si on ne laboure plus, on les retrouve assez facilement », fait observer Jean-Philippe Turlin, conseiller à la Chambre d’agriculture.
Des besoins inférieurs en calcium
Dans une parcelle qui s’apprête à recevoir du lin au printemps prochain, le couvert bien développé à base de radis chinois, de phacélie et d’avoine présentait à mi-décembre une belle biomasse. Jean-Philippe Turlin rappelle que « la phacélie a un rapport C/N intéressant, les radis chinois fonctionnent très bien. Les légumineuses peuvent être introduites aux mélanges à condition qu’elles soient semées avant septembre, sinon elles ne se développent pas ». Aussi, le conseiller explique qu’une avoine diploïde seule produira une grande biomasse de 7 t MS, mais laissera la culture suivante sans azote. Concernant le lessivage de calcium, un sol conduit en semis direct « perdra 150 à 200 kg de CaO/ha/an, contre 400 kg pour une terre labourée. Il faut donc toujours apporter du calcium, mais en moindre quantité qu’en labour pour éviter les phénomènes de blocage d’éléments » conclut le conseiller.
81 kg N pour la culture suivante
En se basant sur la méthode Merci, Rémi Charbonnier, conseiller en agronomie à la Chambre d’agriculture estime qu’un couvert à base d’avoine fourragère, de lin (de printemps et d’hiver), de moutarde blanche et de phacélie semé au 8 octobre a produit au 18 décembre 1,3 t MS de biomasse aérienne. « L’azote capté s’élève à 330 unités », chiffre-t-il. Toujours selon cette méthode, la culture suivante pourra bénéficier de 80 uN. La dynamique de minéralisation s’échelonnera de la façon suivante (après broyage du couvert) : 18 uN à 30 jours, 25 uN à 60 jours, 16 uN à 90 jours, 11 uN à 120 jours. Les 10 uN restantes seront disponibles sous 180 jours. Aussi, ce couvert sera capable de restituer 75 kg de phosphore, 515 kg de potasse, 80 kg de soufre et 45 kg de magnésium à l’hectare.