La Bretagne sur les rangs pour un bras de fer ?

Les responsables syndicaux régionaux mettent en garde les pouvoirs publics contre une possible contagion à la Bretagne des mouvements de contestation qui montent en puissance dans différents pays de l’UE.

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Lundi, 5 000 tracteurs bloquaient la circulation à Berlin. (Photo : Jakob - stock.adobe.com)

Un volcan prêt à entrer en éruption. Au cœur de l’été 2022, c’était la menace brandie par le monde agricole néerlandais remonté contre la volonté de son gouvernement de réduire de 50 % les émissions d’azote en 2030. Ce mois de janvier, c’est au tour des agriculteurs allemands en colère contre la suppression de la ristourne sur le gazole de rouler en tracteur sous la porte de Brandebourg. En Roumanie aussi, agriculteurs et routiers ont manifesté le 14 janvier contre les taxes qu’ils jugent exorbitantes en bloquant la circulation en périphérie des villes et à la frontière avec l’Ukraine, accusée de tirer les prix vers le bas. Cette agitation sociale en Europe fait craindre une extension des manifestations à d’autres pays de l’UE. Avec ce risque de récupération politique à quelques mois des élections européennes.

Délocalisation de l’agriculture

Pour Véronique Le Floc’h, la Coordination rurale s’inscrit pleinement dans le ras-le-bol exprimé ailleurs en Europe. « Tous les agriculteurs européens de l’Ouest voient bien la volonté de Bruxelles de délocaliser l’agriculture à l’Est », résume la présidente nationale du syndicat qui espère bien mobiliser ses troupes et fédérer d’autres corporations mécontentes le 25 janvier. « Nous, agriculteurs, n’avons aucune perspective, aucune visibilité ; nous sommes exclus de la société », dit-elle, dénonçant toutes « les hausses qui font de l’agriculteur la variable d’ajustement face à l’agro-industrie et la grande distribution. Nous avons tout compris : les agriculteurs n’ont pas le droit de gagner leur vie. Ce n’est pas tenable. Tant que cette situation perdurera, on n’installera pas de jeunes. Quel jeune acceptera longtemps de travailler tant d’heures par semaine pour une rémunération dérisoire ? ». La leader syndicale demande « une vraie stratégie bretonne de développement qui s’inscrit dans le long terme ». Elle milite aussi pour « des importations que répondent aux normes RSE (responsabilité sociale et environnementale) imposées aux entreprises et l’application d’une TVA sociale ».

« On nous en demande toujours plus »

Dans les rangs de la FDSEA, les équipes locales assurent rester mobilisées tous azimuts. « Suite aux actions menées en décembre par rapport aux lourdeurs administratives, nous avons organisé une manifestation ce jeudi 18 janvier devant les locaux de Lactalis à Pontivy », évoque Jean-Jacques Michard, président de la section laitière de la FDSEA du Morbihan. Le syndicat dénonce en effet l’absence de prise en considération des OP par l’industriel. « Lactalis décide seul du prix du lait pour ses producteurs. Nous sommes donc payés aujourd’hui 405 €/1 000 L, ce qui en fait le plus mauvais payeur en ce début d’année ». Plus largement, la FRSEA demande un respect des lois Égalim, un arrêt de la surtransposition des normes ainsi qu’un allègement des contraintes administratives. « Nous passons maintenant au moins une journée complète à faire des papiers », déclare l’agriculteur. « Il faut arrêter de nous en demander toujours plus ».

Protéger les agriculteurs du dumping

« Il y a aussi de la grogne dans nos rangs », démarre de son côté Soazig Le Bot, coporte-parole de la Confédération Paysanne Bretagne. « Le revenu des paysans reste la variable d’ajustement pour assurer le profit des grands groupes et de la distribution », estime-t-elle. « Aux oubliettes », Égalim qui devait imposer des prix agricoles couvrant les coûts de production. « Et quelle sanction pour les acteurs comme Lactalis qui ne respecte pas les règles ? », pointe la Morbihannaise. « On ne peut continuer à subir les aléas des marchés, des négociations commerciales… Il faut protéger les producteurs du dumping social et environnemental en fixant des prix d’entrée des denrées sur notre territoire et réguler les volumes pour stabiliser les prix. » Enfin, si le monde paysan doit réinterroger son modèle face au changement climatique, la syndicaliste réclame que tous les secteurs d’activité soient à la même enseigne : « Pourquoi l’agriculture perdrait son avantage fiscal sur le carburant quand l’aviation conserve son kérosène détaxé ? »

Une baisse qui passe mal

L’Allemagne connaît depuis le 8 janvier des manifestations généralisées de ses agriculteurs, mettant en lumière un climat social dégradé outre-Rhin. Répondant à l’appel lancé par le principal syndicat agricole du pays, l’Union des agriculteurs allemands (DBV), plus de 500 engins agricoles ont pris position le 8 janvier près de la porte de Brandebourg à Berlin. En cause : le projet du gouvernement d’Olaf Scholz visant à réduire les subventions aux carburants agricoles afin d’apporter de l’équilibre dans son budget. Conséquence, des convois de tracteurs bloquent des entrées d’autoroutes dans tout le pays. À cela s’ajoute, le 10 janvier, une grève de trois jours des cheminots, paralysant ainsi le trafic ferroviaire.


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