Quel impact de l’élargissement de l’Union européenne ?

Avec la perspective entre autres de l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne, les inquiétudes sont vives pour la compétitivité de nos produits et, en attendant, face aux importations croissantes...

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Même si le chemin vers l’adhésion promet d’être long – les pays candidats devant satisfaire aux exigences de l’acquis communautaire –, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE sont parvenus à un accord, le 14 décembre, sur l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie.

L’élargissement de l’Europe avec la perspective de l’entrée de l’Ukraine, un grand pays agricole, inquiète les éleveurs bretons, et particulièrement les aviculteurs qui voient déjà leur production déstabilisée par des importations de volaille ukrainienne. Quelle place pour la Bretagne agricole dans cette nouvelle configuration ?

Loïg Chesnais-Girard : Je suis favorable à l’adhésion de l’Ukraine. Ce pays se bat pour sa liberté, mais aussi pour la nôtre. Nous ne pouvons pas leur tourner le dos. Mais cela n’arrivera pas avant 10 ou 20 ans, et il est impensable de le faire sans une politique de protection de nos agriculteurs, qui ne doivent pas se retrouver en concurrence face à des salaires bien plus bas. Aussi je suis convaincu qu’il faudra profondément réformer la Politique agricole commune avant tout élargissement de l’Union, et revenir à plus de régulation publique des marchés agricoles. C’est un préalable indispensable.
André Sergent : La question ukrainienne nous bouscule à plusieurs titres. En tant que citoyens qui prenons conscience que la paix n’était pas définitivement acquise en Europe. En tant que professionnels, le potentiel de l’Ukraine peut nous faire peur, compte tenu de sa superficie agricole et de sa capacité à produire et exporter à des prix très compétitifs. Ce potentiel est là, élargissement ou pas. Tirons les leçons pour stimuler l’action.

Produire localement, c’est créer de l’emploi, vitaliser les territoires, nourrir le système social tout en participant à la souveraineté alimentaire. Mais au-delà de ces nobles idées, peut-on concilier souveraineté alimentaire et pouvoir d’achat ? Doit-on par exemple limiter les importations ?

L. C.-G. : Concilier souveraineté alimentaire et pouvoir d’achat, c’est le but de toutes les politiques agricoles. Quand je dis que la Bretagne doit être la Région du Bien manger pour tous, je parle justement de ce fragile équilibre, toujours remis en question. Mais dans le contexte actuel, c’est la conciliation entre transition agroécologique et libre-échange qui m’inquiète. Les deux me semblent incompatibles. On ne peut pas être le continent le plus vertueux du monde pour l’environnement, et avoir une économie ouverte aux quatre vents. L’Europe va devoir faire un choix. Pour ma part je pense que si l’Europe ne protège pas davantage ses marchés agricoles, elle va au-devant de graves crises dont on perçoit déjà les prémices dans plusieurs pays, y compris la France.
A. S. : La compétitivité de nos filières régionales pour reconquérir notre marché intérieur et garder une capacité exportatrice reste un enjeu, nous devons investir en faveur d’une production décarbonée compétitive pour reconquérir notre marché intérieur et garder une capacité exportatrice. Je ne me résous pas à l’idée que nos concitoyens mangent pour 50 % du poulet importé, pour 60 %, des fruits et légumes importés, pourquoi pas le lait demain, un comble dans notre région. Cela engage aussi les consommateurs. Revendiquer en tant que citoyen la souveraineté, c’est accepter d’en payer le prix dans son caddie. C’est aussi accepter l’échelle à laquelle s’organise notre souveraineté, et elle dépasse celle de notre région, et même celle de notre pays.


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