Pour le grand invité de la soirée, Jérôme Fourquet, économiste, politologue et directeur du département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’Ifop, les événements qui agitent la sphère agricole en ce début d’année transpirent d’une quête de sens. « L’isolement est en toile de fond des manifestations », dit-il. Isolement physique dans les campagnes, mais aussi isolement culturel dans une société dont les valeurs changent. Rupture avec la paysannerie laborieuse « Il y a le fait que l’on soit passé de 1 million d’agriculteurs en 1988 à 380 000 en 2020. Aucun secteur n’a connu une telle rétraction », observe l’économiste, précisant que cette fonte des effectifs s’est accompagnée d’une profonde transformation de la société : « Au début des années 90, on est passé d’une culture de la production à une culture de la consommation ». Une vraie rupture pour la paysannerie laborieuse, au travail 7 jours sur 7, qui ne retrouve plus toujours ses repères au cœur de ce séisme sociétal. Et Jérôme Fourquet d’insister sur l’incroyable mutation qui a touché le monde du travail : « En 1990, les sondages montraient que le travail était ‘très important’ pour 60 % des Français (‘plutôt important’ pour 25 %) ; en 2023, le travail est considéré ‘très important’ par seulement 21 % des Français (‘plutôt important’ pour 51 %). Il y a une réelle perte de centralité du travail dans nos sociétés. Il faut tenir compte de ce nouveau rapport au travail ». Ce sentiment, parfois diffus, les manifestants l’ont largement exprimé sur les barrages routiers, particulièrement les jeunes : « On travaille 70 heures pour à peine le Smic ». Pas question de payer plus cher Si la société contemporaine s’imagine travailler moins, elle n’envisage pas forcément que l’autre, l’agriculteur en l’occurrence, puisse jouir des mêmes avantages si cela nuit à son propre confort, notamment par le biais d’une augmentation des prix alimentaires. Or, l’équation est simple : avec un…
Agriculture, alimentation et société : Je t’aime, moi non plus
La célébration du centenaire des Chambres d’agriculture à Locminé, le 23 janvier, s’est télescopée avec les manifestations agricoles. L’occasion de s’interroger sur la place de l’agriculture et de l’alimentation.