Edwige et Sébastien : heureux d’avoir du grain à moudre

À Trémuson, près de Saint-Brieuc, Edwige Guillon et Sébastien Le Glatin ont fait un choix audacieux : réduire l’élevage porcin pour libérer des bâtiments où ils valorisent une partie de leurs récoltes. L’ex-maternité accueille désormais presses et moulins pour produire huiles et farines alimentaires. Reportage à la ferme de la Belle Noé. 

18956.hr - Illustration Edwige et Sébastien : heureux d’avoir du grain à moudre
Dans leur minoterie, ex-maternité, Sébastien et Edwige affichent le sourire d’agriculteurs fiers de ce qu’ils ont fait. Pour ce projet à 400 000 € autofinancé à 25 %, ils ont pu bénéficier sur l’emprunt de la garantie Inaf (Initiative nationale pour l’agriculture française) qui soutient les projets de diversification.  

« L’un sans l’autre, cela n’aurait pas été possible, insiste Sébastien. On a beaucoup travaillé sur ce projet, ensemble. Notre avantage : être complémentaires en termes de compétences. Edwige sur le plan commercial, moi sur l’agricole et la technique ».  Devant un café, Edwige et Sébastien rembobinent, non sans émotion, le film de ces quatre dernières années qui a vu leur vie changer au passage de la cinquantaine. Une belle histoire qui ne fait sans doute que commencer…

1999. Seul garçon de la fratrie, Sébastien reprend l’élevage naisseur-engraisseur de ses parents. « Tout s’est joué quand je me suis retrouvé en difficulté financière. J’ai dû me recentrer sur le travail et réduire ma vie sociale, une période difficile ». Une fois la situation redressée, l’éleveur porcin cherche à vendre, mais sans parvenir à trouver preneur. « Alors, on a passé en revue tous les potentiels de valorisation de la ferme, se souvient Edwige, puisqu’il fallait la garder ». Faire du stockage dans les bâtiments d’élevage ? Trop compliqué juridiquement. Cultiver du houblon ? Chronophage et pas assez rentable dans l’immédiat. Valoriser céréales et oléagineux… Pourquoi pas ?  

Fort et sécurisant

« On s’est d’abord intéressé au chanvre, transformable en huile, mais aussi au lin ou encore au colza qu’on cultivait déjà. Quant aux céréales, on pouvait en faire des farines ». Le couple s’informe sur ces cultures, leur rentabilité, le montant des investissements à réaliser puis fait appel aux professionnels pour affiner le projet et monter un prévisionnel. Ex-directrice commerciale, Edwige (qui a rejoint Sébastien sur la ferme) est à la manœuvre. Sébastien, lui, sait qu’il pourra s’adapter aux nouvelles cultures et qu’il a suffisamment de surfaces pour établir une rotation rendue plus complexe avec des oléagineux. Point fort et sécurisant de leur raisonnement : conserver un atelier d’engraissement qui conforte la trésorerie, absorbe les récoltes non transformées et fournit de quoi fertiliser les terres. 

Regain

« On a d’abord étudié le matériel : moulin, presse à huile, séchoir… pour voir comment on pouvait les installer dans nos bâtiments ». Edwige et Sébastien se déplacent sur des salons comme celui de la boulangerie à Paris, rencontrent des fabricants et se forment sur les machines qu’ils achètent en région lyonnaise. « Récente, notre maternité était idéale pour accueillir l’atelier de transformation : minoterie et huilerie. Le bâtiment gestantes, lui, nous a demandé plus de travail afin de l’adapter au stockage. Il nous a fallu relever une partie du toit pour accueillir le séchoir ».

Bien sûr, en partant d’une feuille blanche, ils connaissent quelques ratés tant sur le choix des cultures que sur la transformation (lire encadré), mais le plus dur semble fait. Aujourd’hui, Sébastien est satisfait d’avoir tenté ce pari à deux, soulignant au passage son regain d’intérêt pour le métier : « Je revis : semer, récolter, transformer, vendre et avoir le retour de clients satisfaits, cela change tout… On est fier de ce qu’on a fait ! ».  

 « Avoir le retour de clients satisfaits, cela change tout »

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Réaménagé, l’ancien bâtiment gestantes, permet de stocker les graines de céréales et d’oléagineux dans sept silos couloirs en béton d’une capacité de 40 m3 chacun.

Stratégie commerciale à 0 % de GMS 

Pièce maîtresse du projet : être en capacité de vendre la partie transformée en huiles et farines, puis d’augmenter progressivement cette part du chiffre d’affaires dans le bilan de l’entreprise. Mission confiée à Edwige eu égard à son expérience.
« On a d’abord misé sur les boulangeries pour vendre nos farines, mais il s’avère que les épiceries fines et les restaurants se sont montrés plus intéressés. De la même manière, on pensait que la farine de seigle allait vite trouver preneur, celle de sarrasin se vend beaucoup mieux. Sébastien peut ajuster les choses au moment des semis… Nos huiles, elles, se vendent plutôt aux particuliers notamment dans les épiceries fines ».
C’est d’ailleurs l’un des choix clés d’Edwige et Sébastien : ne rien écouler en GMS pour garder la main sur les ventes. Et comme pour joindre le geste à la parole, ils viennent d’ouvrir leur propre épicerie de producteurs « La Belle Noé » à Saint-Brieuc. Ils y proposent toute une gamme de produits fermiers 100 % bretons (hors produits frais) mais uniquement vendus à la ferme, en épiceries fines ou magasins de producteurs.

Pierre-Yves Jouyaux


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