Trois ans d’attente pour son dossier

Sur une exploitation laitière finistérienne, un jeune agriculteur témoigne de la longueur de l’instruction de son dossier, qui traîne depuis 2021.

18976.hr - Illustration Trois ans d’attente pour son dossier
Le 8 février, Sébastien Lamour, ici avec son cousin Jérôme, a raconté ses déboires avec l’Administration à Loïg Chesnais-Girard, président de Région, et Arnaud Lécuyer, vice-président en charge de l’agriculture.

Sébastien Lamour est un jeune Finistérien qui a concrétisé son souhait de s’installer en 2019. À l’époque, pour consolider la ferme familiale gérée par son père et son oncle à Milizac-Guipronvel, il reprend une exploitation laitière de 70 vaches située à quelques encablures, à Bourg-Blanc. Ce cheptel vient s’ajouter au troupeau de 90 femelles du Gaec, qui accueille aussi un élevage de porc (300 truies naisseur-engraisseur). Les nouvelles vaches en production sont rapatriées, l’étable étant suffisamment dimensionnée pour abriter la totalité des animaux, car les génisses partent de leur côté sur l’exploitation de Bourg-Blanc pour y être élevées. « Nous avons lancé le 1er juin 2021 un dossier de demande d’exploiter pour 170 vaches laitières », se souvient l’éleveur. Quinze jours plus tard, il reçoit une réponse de l’Administration qui juge irrecevable la demande, car il s’avère que le projet est soumis au régime d’autorisation. « Un nouveau dossier est redéposé pour 150 vaches, car nous souhaitions éviter une lourde instruction et passer en dessous de ce régime d’autorisation ». Là encore, la réponse de l’Administration est négative, car le 1er dossier faisait état de « 170 vaches, et non pas de 150… »

Cinq mois de délai supplémentaire à chaque demande

Dans les projets de l’exploitation, également, celui d’augmenter l’atelier porc, avec un rapatriement de l’engraissement à hauteur de 560 places. Mais « nous ne voulions pas additionner les projets lait et porc, ce qui aurait nécessité l’ouverture d’une enquête publique. De plus, la DDTM nous obligeait à démarrer les travaux du projet sous 2 ans, mais ce n’était pas prévu financièrement dans un délai aussi court ». Les agriculteurs restent alors concentrés sur l’atelier lait. Mais la machine administrative s’emballe. La DDTM et la DDTP « nous réclament tour à tour de justifier de quand date le forage, combien de m3 d’eau nous prélevons, vers où vont les eaux pluviales en fournissant un plan ». À chaque fois, chacune de ces requêtes prend du temps, 4 à 5 mois par nouvelle interrogation. Et le jeune agriculteur de s’agacer, « ce sont des éléments que l’Administration possède déjà ! » Autre exemple dans ce long fil de demandes, « des questions posées sur l’élevage de porc », alors que le projet n’est pas encore lancé. La dernière réclamation date de novembre dernier, avec une demande de fournir une analyse d’eau, requête à laquelle le Gaec a répondu. « Mais nous avons réalisé une analyse d’eau au sortir du forage après traitement, or l’Administration veut une analyse d’eau brute, avant qu’elle ne soit traitée. C’est complètement aberrant »

Normalement, la procédure administrative de rapatriement du troupeau devait durer entre 12 et 14 mois, « nous en sommes à 3 ans. Aussi, le coût de constitution de toutes ces demandes et de ces dossiers se situe entre 5 000 et 10 000 € ». Les éleveurs n’ont pas attendu que l’Administration réponde favorablement à leur requête, toutes les vaches sont réunies à Milizac-Guipronvel. Les instances « ont connaissance de la situation, mais c’est pour nous très long et surtout usant. Ce n’est pourtant pas un dossier compliqué, sans modification du bâtiment, il nous a juste fallu fermer un pignon de l’étable ».

Dans les prochains mois, la situation devrait « théoriquement aboutir car l’Administration a fait tellement de demandes de compléments qu’elle semble avoir épuisé le nombre de recours. Elle donne l’impression de se perdre elle-même en disant parfois oui, parfois non », analyse Sébastien Lamour, qui appréhende déjà à avoir à mettre en route son projet porcin de rapatriement des 560 places d’engraissement.

L’Administration nous réclame des éléments qu’elle connaît déjà

Des efforts non salués

40 ha d’herbe accessibles autour des bâtiments, des chemins pour aller au pâturage, une fosse couverte, un bac d’équarrissage réfrigéré… La ferme familiale multiplie les efforts pour avoir « une exploitation agricole propre qui se rapproche au maximum de ce que l’on nous demande. On ne regrette pas ces investissements ; on aimerait juste être félicité en cas de contrôle, or on nous fait à chaque fois remarquer que nous ne faisons que suivre la loi ». Le Milizacois note une bonne communication avec le préfet actuel du département, nommé l’été dernier, mais a l’impression que l’avancée des dossiers « est plus compliquée en Finistère que dans les Côtes d’Armor ou dans le Morbihan », et estime que c’est un mauvais signal envoyé à la profession. « Déjà qu’il y a peu de jeunes à s’installer, bloquer des projets d’évolution est triste ».


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article