Progrès
Dans les nouveaux locaux d’Arvalis à Ploërmel, Benjamin Collin, ingénieur régional Bretagne chez Arvalis démarre la matinée avec quelques constats : depuis 1960 jusqu’à aujourd’hui, les températures ont augmenté, et ce partout en Bretagne, avec en moyenne + 1 °C par rapport aux moyennes saisonnières (hiver comme été), d’après les analyses de données de 4 stations météo (Ploërmel, Rostrenen, Fougères, Dinard). Ces hausses ont d’ores et déjà des impacts sur les cultures qui arrivent à maturité plus rapidement, dû à un raccourcissement du cycle végétal.
Quel pronostic à l’horizon 2070 ?
Les températures vont continuer d’augmenter partout en Bretagne, et le raccourcissement du cycle des cultures va s’accentuer (- 20 jours supplémentaires sur maïs fourrage, – 56 jours supplémentaires sur maïs grain). Bien que la pluviométrie annuelle soit stable dans ce scénario futur, l’irrégularité des précipitations génère des excès et des déficits. Ceci implique des périodes de fort stress hydrique en été, induisant des pertes de rendement en blé ainsi qu’en maïs. Sur le plan des bioagresseurs, les prédictions suggèrent un développement accru du piétin échaudage.
L’ambiance est agitée dans la salle, ces annonces sont déroutantes pour les agriculteurs. Benjamin Collin poursuit son propos en énonçant différents leviers d’adaptation. Le premier levier est l’amélioration variétale, secteur où de nombreux progrès sont attendus, notamment sur l’aspect tolérance stress hydrique des cultures. L’itinéraire technique peut lui aussi être adapté pour compenser les aléas climatiques : pour temporiser l’intensité des stress hydriques, le plus gros enjeu est de limiter le tassement des sols afin d’avoir une structure permettant un enracinement des cultures optimal et efficace pour absorber l’eau. Pour aller plus loin dans la réflexion autour de l’adaptation des systèmes agricoles, le projet Climatveg est en cours. Accompagné de groupes de travail d’agriculteurs, ce projet permettra d’évaluer plusieurs scénarios d’adaptation par la modification de l’assolement et d’anticiper les conséquences économiques, sociales et agronomiques de tels changements.
Agriculture et carbone : un duo complexe
La journée se poursuit par la visite de l’exploitation agricole du Lycée agricole de la Touche, et entre autres, de son méthaniseur en cogénération d’électricité et de chaleur. Cette visite introduit le sujet de l’après-midi : atténuer les effets du changement climatique par le stockage du carbone. Dans une salle avec vue panoramique sur l’élevage laitier de 150 vaches du lycée, Sylvain Foray, référent Carbone chez Innoval, entame un quiz lançant des échanges autour de l’agriculture et de l’environnement. Si l’agriculture est montrée du doigt comme un secteur émetteur de gaz à effet de serre, l’élevage contribuant à 12 % des gaz à effet de serre en France, elle possède également des atouts importants pour réguler ces émissions, comme l’atteste le nombre grandissant de diagnostics d’empreinte carbone (Cap2ER, MyEasyCarbon) et de label (Bas carbone), de filières (Blé sols vivants, Colza bas carbone), et de dispositifs de financement pour le stockage du carbone dans les sols (Livelihoods Funds). Décortiquant les postes d’émission d’un élevage laitier, Sylvain Foray expose ensuite les principaux leviers pour réduire l’empreinte carbone du lait : améliorer la productivité par vache, âge des génisses au vêlage, modifier la rotation pour réduire les apports en fertilisants azotés (lié aux émissions de protoxyde d’azote), augmenter l’autonomie protéique par des fourrages de qualité, etc.
Le programme de cette journée intense a permis d’aborder plusieurs dimensions de ce vaste sujet et a été apprécié par les agriculteurs qui souhaitent approfondir certains sujets, notamment sur les nouvelles techniques de sélection variétale (NBT), l’optimisation de la gestion des déjections animales, élaborer un plan d’action suite à un bilan carbone. Voilà de quoi enrichir le programme des prochaines réunions groupes de progrès Eureden.
Lila Grandgeorge