Flash-back, mars 2023. Pour la première fois en Europe, un établissement bancaire – en l’occurrence le Crédit Mutuel Arkéa – présente ses résultats annuels sous l’angle de la performance globale. Une notion beaucoup plus couvrante et éclairante que les « traditionnels » résultats financiers puisqu’elle intègre, outre ces derniers, des dimensions extra-financières comme les impacts sociétaux et environnementaux.
S’il est aisé d’estimer la performance financière d’une entreprise à partir de ses résultats exprimés en euros, il a fallu en revanche que le groupe coopératif et mutualiste développe sa propre méthodologie pour évaluer le volet extra-financier. Sans rentrer dans le détail d’un process présenté en toute transparence sur internet (www.cm-arkea.com), on retiendra que l’exercice consiste à mesurer l’impact, à le convertir en euros sur la base d’indicateurs de référence et à calculer la quote-part imputable au Crédit Mutuel Arkéa. Sur ces bases, le groupe basé au Relecq-Kerhuon (29) a ainsi dévoilé que sa performance extra-financière, pour l’exercice 2022, avait représenté 9,4 milliards d’euros (+ 16,3%).
En amélioration continue
« Nous restons humbles, précise Marina Flochlay, responsable du département Ingénierie et communication financière du Crédit Mutuel Arkéa. Le modèle est encore imparfait mais nous nous inscrivons dans un processus d’amélioration continue. Au-delà des chiffres en valeur absolue, ce qui nous importe avant tout ce sont les évolutions, la trajectoire ».
L’outil, qui a déjà décroché plusieurs distinctions et suscité l’intérêt de grands groupes, a en tout cas le mérite de rendre perceptibles les effets indirects et induits par les financements octroyés à la clientèle. Qu’il s’agisse de conséquences positives, comme la création d’emploi, ou négatives, telle la pollution environnementale ou la consommation d’eau, il permet d’objectiver les choses, en dépassant les biais partisans.
Prenons l’exemple concret d’un élevage porcin de 250 truies naisseur-engraisseur, dont le Crédit Mutuel de Bretagne détiendrait un quart des encours de prêts. On a beau savoir que tout est bon dans le cochon, l’ampleur du résultat surprend… Le calcul démontre en effet que, sur cette exploitation, l’impact extra-financier (cf. encadré) pour le CMB atteint 50 000 euros par an !
« L’agriculture est souvent stigmatisée sur les sujets environnementaux, constate Marina Flochlay. Mais on oublie de mettre en valeur sa contribution à l’économie du territoire. Une exploitation agricole n’est pas une entreprise isolée. Elle s’inscrit dans un écosystème – fournisseur d’aliment, entrepreneur de travaux agricoles, abattoir… – au sein duquel elle joue un rôle central ».
Un rôle primordial
Daniel Caugant, responsable du marché de l’agriculture au Crédit Mutuel de Bretagne, insiste lui aussi sur les très larges retombées des financements octroyés à l’agriculture. « Cela irrigue bien au-delà de l’exploitation. Nous avons calculé que lorsque nous accordons un prêt d’un million d’euros à un agriculteur breton, cela génère un impact socio-économique positif de 330 000 euros. L’agriculture joue un rôle primordial sur nos territoires ».
Aujourd’hui, le Crédit Mutuel Arkéa dispose d’une gamme de 25 indicateurs d’impact pour évaluer sa performance extra-financière sur l’ensemble de son activité. Sept d’entre eux sont plus spécifiquement adaptés au domaine agricole et permettent de couvrir l’ensemble des productions. « Et nous travaillons actuellement sur un nouvel indicateur visant à prendre en compte la contribution à la souveraineté alimentaire », souligne Marina Flochlay. De quoi mesurer encore plus justement tous les apports de l’agriculture à ses territoires.
Calcul intégral !
Imaginons un élevage finistérien de 250 truies naisseur-engraisseur, réalisant un chiffre d’affaires annuel de 1,2 million d’euros, avec un encours total de prêts de 2 millions d’euros, dont 500 000 euros auprès du Crédit Mutuel de Bretagne. Calculons maintenant l’impact extra-financier pour l’établissement coopératif. L’indicateur de référence Primap permet d’estimer, par production, le nombre de tonnes de gaz à effet de serre (GES) émises en fonction du chiffre d’affaires. Le calcul
– 0,0013025 x 1,2 M € – nous donne ici un résultat de 1 563 tonnes. La valeur tutélaire de référence pour les émissions de GES établie par l’organisme France Stratégie est de 119 € par tonne équivalent de CO2, l’on obtient donc un total de 186 000 euros d’externalités négatives pour cette exploitation. Le CMB représentant un quart des encours de cette exploitation, 25 % lui sont donc imputables, soit 46 000 euros environ.
Côté externalités positives, il convient de prendre en compte l’emploi soutenu ainsi que la valeur ajoutée créée sur le territoire. Pour la première catégorie, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) fournit un indicateur donnant le ratio d’emploi par euro de chiffre d’affaires. Ici : 1,2 M x 0,0000019, soit 2,28 équivalents temps plein. L’Insee a, par ailleurs, évalué le revenu net moyen à 21 031 € par ETP, on obtient un total de quelque 48 000 euros dont le quart, soit 12 000 euros, pour le CMB. Pour évaluer la valeur ajoutée générée, là aussi, les indicateurs sont issus de l’Insee. Le ratio de masse salariale (0,12) est retranché de celui de la valeur ajoutée (0,40) pour estimer, qu’en fonction du chiffre d’affaires réalisé, la valeur ajoutée créée sur le territoire s’établit à 336 000 euros, dont 84 000 euros reviennent au CMB. La performance extra-financière étant la somme des externalités négatives et positives, l’on obtient : 84 000 + 12 000 – 46 000 = 50 000 euros d’impact positif !
Jean-Yves Nicolas.