« La Cuma est au ralenti ». Au Tréhou (29), les moteurs des tracteurs sont à l’arrêt et Rolland Quéinnec, président de la coopérative de matériel, aimerait voir réapparaître l’astre solaire, mais surtout que la période pluvieuse cesse. La commune finistérienne a déjà essuyé des conditions compliquées pour les semis de céréales à l’automne, les semoirs n’ont pu mettre en terre que 60 % des surfaces qui étaient prévues en orge, blé ou triticale. Pour les champs ensemencés, une certaine inquiétude monte. « On perd de la surface, les îlots noyés n’iront pas au bout, il y aura des décisions à prendre dans les 15 jours à 3 semaines », sous-entend-il, avec la crainte d’avoir à retourner des cultures.
Comme si les choses n’étaient déjà pas assez compliquées, les agriculteurs doivent « entretenir les champs à la suite du passage de la tempête. Beaucoup coupent du bois, sans pouvoir venir l’enlever avec des véhicules adéquats. L’hiver n’en finit pas ». Si le Nord-Finistère a reçu dans les 400 mm depuis 3 mois, les cartes de cumuls de pluie montrent des valeurs encore plus hautes à Briec (29) où il est tombé près de 510 mm sur cette même période, ou plus à l’est, à Arzano (29) où les champs ont été arrosés par 650 L d’eau par m2.
Plus à l’est, le Pays de Dol a pu « réaliser les premiers apports d’azote, les désherbages sont faits. On remarque toutefois des tassements de sol ayant pour origine les semis. La bande entre les roues du tracteur est plus vigoureuse et volontaire. Avec un radoucissement et une fertilisation bien fractionnée, on arrivera à récupérer les zones compactées, mais il y aura inévitablement des pertes », prévoit Stéphanie Montagne, ingénieure agronome pour la Chambre d’agriculture. Dans cette région, les travaux de préparation des terres à maïs n’ont pas commencé car contrariés par des sols gorgés d’eau. « On ne peut même pas déstocker au champ les fumiers ou faire de la coupe en vert pour nourrir les animaux ».
On ne peut pas déstocker le fumier au champ
Aller dans les champs ce week-end
Cette campagne se distingue par des précipitations fréquentes de l’automne à février sans discontinuer, avec « des séries de séquences répétées et intenses. Sur les sols non filtrants, un impact est possible sur les céréales qui sont au ralenti et ont parfois un système racinaire qui reste en surface », observe Benjamin Collin, ingénieur régional Bretagne chez Arvalis. Si les reliquats azotés sont dans les moyennes, voire un peu plus bas que de coutume, ce faible réseau racinaire n’ira pas dans les horizons plus profonds puiser des éléments nutritifs.
Les dates de semis de céréales ont été très étalées cet automne. Conséquence : le stade épi 1 cm peut être atteint pour les implantations les plus précoces, ce stade arrivera vers la mi-mars pour les céréales semées après le 15 novembre. C’est pourquoi « il faut visiter ses parcelles cette fin de semaine et être réactif. Les conditions peuvent changer très vite ». En effet, le printemps arrive avec une reprise de la végétation, des températures qui vont monter et une évaporation-transpiration plus importante des plantes. Ces facteurs vont contribuer « à faire ressuyer les parcelles ». La stratégie de fertilisation doit être réajustée, en fractionnant davantage. « Dans les cas où de gros apports d’azote ont déjà été réalisés, une partie a été perdue, c’est dommage. Il faut désormais trouver le bon compromis autour du stade épi 1 cm ». Dans le secteur de Quimperlé (29), « nous avons eu 2 ou 3 créneaux pour effectuer les premiers apports d’azote au tallage, sauf sur les parcelles qui se ressuient mal. Mais rappelons que ces apports ne sont pas stratégiques, ce sont surtout des apports de sécurité. Il faudrait désormais une bonne période d’ici à la fin du mois pour intervenir au stade épi 1 cm. Pas d’affolement donc pour l’instant, il faut attendre le bon créneau », analyse Daniel Hanocq, conseiller à la Chambre d’agriculture.
Tout le travail sera à faire en même temps
Chez les producteurs d’échalote, la saison n’est en rien comparable à celle de l’année dernière, « où les 2/3 des parcelles étaient plantés à cette période », rappelle Claire Gouez, conseillère en cultures légumières de plein champ à la Chambre d’agriculture. Les chantiers sont à l’arrêt. Quand des conditions plus favorables arriveront « tout le travail sera à faire, que ce soit les plantations d’échalotes, mais aussi d’oignons ou de salades ». Les plantations d’échalote peuvent se réaliser jusqu’au 15/20 mars sans perte de rendement significatif, « l’impact est plus grand quand on arrive à début avril. 2020 et 2018 ont été des années similaires ». Le beau temps et les pluies de juin, arrivées au bon moment, avaient permis de bien faire grossir les bulbes et de garder une bonne qualité.
OPINION – Florent Cotten Producteur de lait à Saint-Yvi (29)
Sans les chemins, on irait nulle part
Les vaches n’ont jamais passé autant de temps en bâtiment ; en tout : un mois. Nous avons consommé l’équivalent de 2 hivers en paille. C’est frustrant car tout démarre bien, on peut avoir 25 kg MS de pousse d’herbe par ha et par jour. Il ne faut pas se faire dépasser et ne pas hésiter à sortir. Dès que nous avons eu des opportunités, le troupeau est allé jour et nuit dehors. Nos paddocks sont portants car ils ont une bonne réserve de calcium, il y a de la vie microbienne, l’eau s’infiltre. Mais sans les chemins de pâturage, on irait nulle part. Si les pattes des animaux s’enfoncent jusqu’au boulet, le paddock peut repartir, mais à condition de le laisser se reposer. Ici, le temps de retour est de 70 jours.