Cela faisait plusieurs décennies que le ronronnement de la machine à traire n’avait pas rompu le silence du petit menez et le ruissellement du Squiriou, rivière qui coule tranquillement en fond de vallée. Il en est de même de la petite lumière qui éclaire cet endroit de la commune de Botsorhel (29), tôt le matin, à 5 h 30. Alors que la nature semble encore dormir, Guillaume Quéré est déjà à l’ouvrage et retourne doucement ses fromages pour qu’ils s’égouttent. Dans cette partie du Trégor finistérien, l’éleveur a relancé la ferme de son grand-père paternel, qui s’était assoupie depuis les années 80. « Tout était resté en stand-by, nous faisions un peu de foin pour entretenir les champs. Ce sont de petites terres », mais qui correspondent très bien à l’activité relancée. Les vaches laitières sont parties, laissant leur place à d’autres bêtes à cornes : le petit-fils élève une cinquantaine de chèvres en race poitevine et transforme leur lait en fromage.
Le moulage n’attend pas
La journée démarre par le retournement de chaque fromage, moulé la veille. Si l’opération est simple, l’heure a toute son importance. « Ils sont retournés tous les jours. Je commence par les plus vieux pour aller vers les plus jeunes, afin d’ensemencer chaque fromage. Tout est une histoire de petits détails. Plus on les manipule, plus ils sont homogènes ». Les micro-organismes présents dans la fromagerie sont typiques de la ferme et donneront une saveur particulière aux produits.
La matinée se poursuit avec le moulage. Le caillé est sorti de son sommeil de 24 heures à 20 °C. Pendant cette période, « il ne doit pas subir de vibration » pour se présenter sur la forme d’un flan crémeux. Et le moulage n’attend pas : « Une fois que je commence, je ne m’arrête pas car le caillé pourrait retomber, il ne faut pas le casser ». Guillaume Quéré a déjà délégué cette opération à d’autres, mais « c’est le moulage qui fait le fromage ». La patte de l’éleveur, propre à lui-même, donne le résultat escompté. « Quand je vois le caillé, je sais quel fromage ça va donner ».
C’est le moulage qui fait le fromage
Un affinage délicat
Ses fromages peuvent être consommés de super-frais, avec seulement 3 jours d’égouttage, à plus sec, car affinés 5 mois. « J’ai mis 3 ans à trouver le croûtage que je voulais, les fromages sont passés par toutes les couleurs : du bleu au vert fluo ». Cette maîtrise de l’affinage, Guillaume l’a appris avec 2 amis, Christophe et Amandine, éleveurs de Trébeurden (22).
Au démarrage de son activité en 2020, le Finistérien a commencé par élever 7 chevrettes de 8 jours, le troupeau restait dehors toute l’année, la traite était effectuée au champ grâce à un ingénieux système de salle de traite mobile. Depuis, un bâtiment est sorti de terre. « J’ai préféré démarrer petit pour avoir de la rentabilité ». De 5 à 600 fromages par semaine en début de campagne en février, la production monte crescendo pour atteindre 1 500 unités en plein pic de lactation. Côté génétique, « je recherche des animaux mobiles, avec de bonnes pattes et un bon rendement fromager. Je préfère les chèvres à poils longs, plus adaptés à rester dehors 24 h/24 ». Le troupeau a comme alimentation, en plus du pâturage quotidien, du foin à volonté, de la luzerne en bouchon et de l’orge produite à quelques kilomètres, distribuée lors des passages au quai de traite. Ce quai a été fabriqué avec la bétaillère du grand-père maternel, qui lui servait pour déplacer ses vaches allaitantes. Décidément, les aïeux et leurs traditions paysannes sont toujours là pour aider les générations futures.
Du champ au chant
Seul sur la ferme, « il m’est impossible d’être derrière les chèvres, de m’occuper des clôtures, de la fromagerie et d’être en même temps présent sur les marchés ». C’est pourquoi un agrément européen a été passé pour écouler la marchandise où il le souhaite. « Ce sont des contrôles supplémentaires, mais c’est un sésame pour aller chez les clients ». Et les petits palets crémeux se retrouvent sur les plus grandes tables, comme celles en bord de mer du chef étoilé Nicolas Carro, à Carantec (29). « C’est un produit d’exception, très fin, avec une très grande longueur en bouche », apprécie l’homme au tablier et aux fourneaux. Le cuisinier décline les fromages de Guillaume bruts ou travaillés en amuse-bouche sous forme de mousse, ou simplement couchés sur un mesclun et soulignés par une pointe de miel. « Nous sommes le trait d’union entre le producteur et le consommateur, à nous de respecter ces produits, leur typicité, leur signature ». Tout au long de la journée, Guillaume aime parler à ses chèvres, toujours de façon délicate et avec une voix apaisée. Cette voix lui sert aussi à faire vivre la tradition chantée du kan-ha-diskan, car il lui arrive de se produire sur scène lors de festoù-noz. Mais ça, c’est une autre histoire…
Pour savourer les fromages
La ferme de Guillaume Quéré propose de la vente directe les jeudis de 17 à 19 h, au lieu-dit la Villeneuve à Botsorhel, avec différents fromages, frais ou affinés, natures, avec des épices ou des herbes, ainsi que du miel. Cet été, les fromages seront également présents lors du festival des Vieilles Charrues.
Rousvoal L
Merci ce bel article Fanch
Rousvoal L.
Quel beau travail ! Félicitations Guillaume !
Geffroy Jp
Bonjour Guillaume
Un article qui a retenu mon attention
A une prochaine
Jp
Rousvoal L.
Quel beau travail ! Félicitations Guillaume !