Échange et partage
« Si ce groupement existe encore dans 20 ans, on y sera toujours ! ». Dans leur salle de traite, modernisée il y a un an, Edern Coadou et Faustine Hourdeaux, associés du Gaec de Coat Bihan, discutent avec Isabelle Pailler. Ces trois-là se connaissent et pour cause : depuis son installation fin 2015, Edern fait partie du GIEE ‘‘système herbager’’ piloté par Isabelle Pailler. « J’étais en stage d’installation, se souvient le jeune éleveur, les conseillers de la Chambre m’ont dit de l’appeler, qu’elle vienne voir la ferme et me dise ce qu’elle en pensait. » J’ai trouvé son projet « gonflé », reconnaît la conseillère lait. « Même avec un parcellaire groupé et un investissement raisonnable sur les bâtiments, il lui fallait acheter tout le foncier ; forte contrainte ! L’autre pari gonflé d’Edern, c’était de faire venir d’Irlande 50 génisses pleines… ».
Choix du lait
Titulaire d’un BTS gestion et protection de la nature, Edern a d’abord fait des remplacements en élevages, roulant sa bosse avec Faustine jusqu’en Nouvelle-Zélande. « Puis, j’ai voulu m’installer en allaitant, l’idée s’est arrêtée net chez le comptable. J’ai opté pour un système lait en vêlage groupé, mais sans double traite toute l’année. Faustine travaillant à l’extérieur, je voulais pouvoir me libérer du temps… ».
Inscrit au RDI, il repère alors une ferme laitière à reprendre sans troupeau à Plonévez-du-Faou, sa commune d’origine. « J’ai monté le projet et tout s’est fait très vite, en huit mois. Une demi-journée sur Internet m’a suffi pour trouver quatre marchands de vaches irlandais ». Les premiers veaux d’Edern naissent au printemps 2016 et Isabelle ne tarde pas à faire venir son groupe d’éleveurs à Coat Bihan.
Claque qui conforte
Huit ans après son installation, force est de constater que chaque journée passée au sein du GIEE (5 à 6 par an) apporte à Edern comme à Faustine (qui l’a récemment rejoint sur la ferme) : « Ça nous conforte dans nos choix, nous donne des perspectives et permet d’évaluer nos marges de manœuvre. Parfois, on se prend une claque en découvrant les résultats économiques d’une autre ferme. Mais l’important, c’est de progresser en comparant les croisements ou la conduite des pâtures, bases de notre métier. On peut également s’inspirer de plusieurs avis avant de prendre une décision, rester au clair sur le réglementaire, sans compter tous les échanges informels qu’on a sur les fournisseurs et bien d’autres choses… Et puis il y a des éleveurs très calés. Par exemple Gilbert : son dada à lui c’est la génétique. Il connaît les taureaux : ‘‘Celui-là, ne le prends pas, il est nul ; celui-là, il est bon’’ ! ».
Faustine, cela va sans dire, a également intégré le GIEE au sein duquel elle a pu s’appuyer sur l’expérience d’autres couples déjà installés en Gaec pour accompagner son installation. « Maintenant, on veut profiter de tout le travail accompli, concluent les jeunes éleveurs. Engranger du chiffre d’affaires tout en limitant nos charges pour pouvoir se sortir un salaire à la hauteur de ce qu’on mérite ».
S’extraire de sa ferme et tisser d’incroyables liens
Repères
• Gaec 2 UTH ;
• Système herbager bio ;
• Vêlage groupé de printemps ;
• Tarissement hivernal ;
• Monotraite toute l’année ;
• 70 VL et 30 génisses ;
• Croisement 3 voies : Frisonne – Jersiaise – Rouge norvégienne ;
• Production : 212 000 L ;
• 70 ha : pâtures, praires et colza ;
• Travaux et enrubannage : ETA ;
• EBE : 45 % du produit brut;
• Micro bénéfice agricole depuis l’intégration de Faustine et la création Gaec en 2023 ;
• Agrandissement : + 20 ha pour sécuriser le système fourrager.
Super carnet d’adresses
« Edern et Faustine ne le mesurent sans doute pas, mais depuis sa création en 2009, le GIEE a généré de précieuses références technico-économiques, souligne Isabelle Pailler. Même le regard des banques a changé sur ces systèmes herbagers parce qu’on peut désormais démontrer que même avec un volume de lait plus faible, ils restent performants. De quoi renforcer le dossier de financement d’un jeune quand il veut s’installer, surtout hors-cadre familial ».
Au-delà de crédibiliser des fermes misant sur un modèle à la fois économe et rentable, ce GIEE impulse, comme d’autres, une nouvelle forme de solidarité paysanne : « Un simple voyage d’étude permet aux éleveurs de s’extraire de leur ferme, de prendre de la hauteur, mais aussi de tisser d’incroyables liens ». La preuve ? Quand Isabelle Pailler veut réunir le groupe sur une des exploitations, elle prend son téléphone, appelle une fois, deux fois – pas plus – la réponse est toujours oui ! « Au final, cela donne à chacun de nos membres un super carnet d’adresses où tout le monde est prêt à s’entraider ».
Pierre-Yves Jouyaux