Bretagne, terre de lait

8 450 fermes bretonnes produisent annuellement quelque 5 milliards de litres de lait par an. Cette production-phare de la région est à la croisée des chemins.

19737.hr light - Illustration Bretagne, terre de lait
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De par son climat et sa culture, la Bretagne est une terre à lait que les quotas n’ont pas réussi à briser en 1984. En atteste le nouvel élan laitier breton en 2010 où la perspective de la fin des quotas a dynamisé la production régionale. Mais le soufflé est retombé dès 2019 pour les raisons que l’on connaît : un revenu trop moyen au regard du travail et de l’astreinte exigés par cette production passionnante, mais prenante.

694 000 vaches

Conséquence directe de cette réalité économique et de la démographie agricole, la diminution du nombre de points de collecte se fait à un rythme soutenu de 4 à 5 % par an depuis quelques années(1). En 2019, les camions laitiers s’arrêtaient dans 10 249 fermes ; fin 2023, il n’y avait plus que 8 450 tanks à pomper, soit 1 800 points de collecte en moins en 4 ans.

Les effectifs animaux reculent moins vite que les fermes, mais reculent. « Au 31 décembre 2023, la Bretagne comptabilisait 694 000 vaches laitières (-2,1 % / 2022), soit une moyenne de 82 têtes par exploitation ». Aucun signe tangible n’annonce un renversement de tendance à court terme. En témoigne le nombre de génisses laitières arrêté au 31 décembre dernier qui est « en baisse de -3,7 % » . Autant de jeunes femelles qui ne seront pas vaches en 2025-2026.

Carte du nombre de vaches laitières par ha de surface communale en Bretagne au 31 décembre 2023

Cheptel divisé par 2 en 40 ans

Depuis le pic post-quotas enregistré en 2018 (776 000 VL), la Bretagne a perdu 84 000 vaches. 2023 est la 6e année de baisse consécutive (-18 000 vaches sur 1 an). Pour mémoire, la Bretagne comptait approximativement deux fois plus de vaches en 1983 (1,4 million) qu’en 2023 pour une production totale d’alors de 5,9 milliards de litres produits par 69 705 éleveurs. Il est intéressant de noter que la trajectoire bretonne tracée en 2015 pour 2020 visait ce même objectif de 6 milliards de litres. Coïncidence fortuite ?

Cet objectif post-quotas de 6 milliards de litres n’a jamais été atteint. Au plus proche, il a manqué un demi-milliard de litres, soit la production équivalente de 65 000 vaches. Le dernier sommet de production du troupeau breton date de 2019 avec 5,444 milliards de litres de lait livrés. Dès 2020, le repli était palpable : – 50 millions de litres en un an.

Le taux de remplacement est de 28 % en production laitière en Bretagne

Avec une production totale de 5,16 milliards de litres, l’année 2023 s’inscrit, de façon encore plus prononcée, dans les pas des précédentes années avec -3,5 % de livraisons par rapport à 2022 (France : -2,1 %). Avec des nuances selon les départements puisque la production finistérienne est en retrait de 5 %, alors que l’Ille-et-Vilaine et les Côtes d’Armor sont plus épargnés par la décapitalisation.

Dans la tendance dans grands bassins

La situation particulière du Finistère pourrait s’expliquer par la tempête Ciaran. Le bilan fin 2024 dira si le phénomène est conjoncturel ou plus profondément ancré. Toujours est-il que si la décapitalisation se poursuit au rythme de 2023, avec un repli de la collecte très appuyé en Bretagne (-3,3 %), la région pourrait passer sous la barre de 5 milliards de litres dès 2024, soit près de 20 % en dessous de l’objectif fixé il y a 10 ans par la profession.

La tendance observée en Bretagne n’est pas unique. Les autres régions françaises se situent sur la même pente : – 4,4 % en Pays de la Loire et Vendée. De même que les autres gros pays laitiers européens sont en repli : – 2,5 % en Allemagne, – 1,5 % aux Pays-Bas.

Pour autant que l’érosion laitière touche la Bretagne, la région demeure le 1er bassin laitier de France adossé sur un fort savoir-faire des éleveurs et un maillage industriel dense. Pour rester un poids lourd laitier, la région doit impérativement négocier le virage du renouvellement compte tenu des nombreux départs prévus dans les 5-10 ans. Pour l’heure le compte n’y est pas. Le taux de remplacement est de 28 % en production laitière en Bretagne (moins de 3 installés pour 10 producteurs qui arrêtent).

Des jeunes motivés

Mais le vent pourrait tourner. Les écoles d’agriculture bretonnes, et particulièrement d’Ille-et-Vilaine, ne voient pas de défection de la motivation des jeunes pour la production laitière. Au contraire. Un gisement pour l’installation dans les années futures ? Il faudra alors que les revenus se maintiennent, ce qui passe inévitablement par un meilleur prix du lait compte tenu de la hausse importante des charges. À cet égard, les résultats du 3e trimestre 2023, diffusés par Cerfrance, sont décevants puisque le revenu courant baisse de 43 €/ 1 000 L. Un mauvais signal pour une filière qui se trouve à la croisée des chemins.

(1) Source des données de l’article : Olivier Carvin, chargé de mission économie-emploi, Chambre d’agriculture de Bretagne ; Idele ; FranceAgriMer, MSA.

OPINION – Jean-Hervé Caugant Président du pôle herbivore de Chambre d’agriculture de Région Bretagne

Un début 2024 encourageant

La Bretagne connaît une amélioration de sa collecte de + 0,5% en janvier par rapport à 2023. D’après les enquêtes hebdomadaires de FranceAgriMer, la collecte française de février 2024 augmenterait de + 0,5 % / 2023. En bio, le recul s’est atténué en Bretagne (- 2 %). Les banquiers indiquent qu’ils sentent à nouveau un frémissement dans les investissements.


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