« La décarbonation est un enjeu très sérieux sur nos exploitations, cela n’est pas uniquement comptable », a introduit Jean-François Delaitre, président de l’association des agriculteurs méthaniseurs de France lors de l’assemblée générale qui s’est déroulée le 4 avril à Châteaugiron (35). La table ronde sur la thématique du carbone comme levier de croissance et d’appropriation locale des projets de méthanisation a débuté par le témoignage d’Erwan Bocquier, éleveur en production laitière et gérant de la SAS Métha Treil à Machecoul-Saint-Même (44). « Mon projet de construction d’une unité de méthanisation a débuté en 2017 pour une première injection de biométhane en 2019. Dès 2020, j’ai mis en route la première installation en France qui intègre un processus de récupération du dioxyde de carbone (CO2) issu de la méthanisation. Ce CO2 est ensuite utilisé pour soutenir la photosynthèse en culture maraîchère sous serre en collaboration avec des voisins qui produisent des tomates et des concombres. »
Le carbone ne repart pas dans l’atmosphère
Une production de 2 000 à 2 200 t de CO2
Ce CO2 biogénique (neutre pour le climat) est issu de l’épuration du biogaz brut. Sur Métha Treil, la valorisation de ce CO2 pour un autre usage, améliore encore la boucle d’économie circulaire créée par la méthanisation. On peut parler alors d’un bilan carbone négatif car ce carbone ne repart pas dans l’atmosphère. « Mon unité de méthanisation produit 2 000 à 2 200 tonnes de CO2 par an alors que mes associés maraîchers ont des besoins pour leurs 15 ha de serres compris entre 5 000 et 6 000 tonnes chaque année. Pour livrer le CO2, j’ai investi dans un camion équipé d’une cuve et formé le chauffeur au transport de matières dangereuses. La production de CO2 ne nécessite pas de travail en plus sur la méthanisation. C’est uniquement du temps pour le transport et le chargement. Il faut 1,5 heure pour charger la cuve du camion et autant pour la vider. » La captation du CO2 issu de la méthanisation a nécessité un investissement de 1 million d’euros qui devrait être rentabilisé sous 9 à 10 ans.
Le CO2 non rejeté devient une aide à l’investissement
La société Inwaste se place comme un facilitateur entre les industriels et les méthaniseurs pour de la vente de crédits carbone. « Les industriels ont besoin de crédits carbone et la production de biogaz limite le dégagement de CO2 dans l’atmosphère », explique Venance Roy, directrice d’études biodéchets chez Inwaste. Et Thibaud Rychlak, chargé de projet carbone chez Inwaste de chiffrer : « Une unité de méthanisation de 150 Nm3 évite le dégagement dans l’atmosphère de 2 300 tonnes de CO2 chaque année. En partant sur 20 à 30 €/tonne de CO2 cela nous donne un gain de 50 000 à 60 000 € par an. » Inwaste ne rémunère pas directement les méthaniseurs, cet argent est apporté sous forme d’aide à l’investissement pour développer un projet sur la méthanisation. « Cela peut être la couverture d’une fosse de stockage ou tout autre projet concret. Cela peut aussi se faire pour un porteur de projet ayant besoin d’un apport financier pour débuter. »