Le 24 février 2022, l’Europe est entrée en économie de guerre. Pour les agriculteurs, ce nouveau paradigme s’est traduit par la flambée du prix des intrants, particulièrement des engrais azotés. En fermant le robinet des importations du gaz russe bon marché, les agriculteurs européens ont senti la note passer. Et puis la bulle a dégonflé donnant le sentiment que la tempête est passée. Illusion nous avertissent les experts, tel l’investisseur David Baverez qui vient de publier « Bienvenue en économie de guerre ! » En fait, dans ce nouveau contexte, les Européens sont les seuls (ou presque) à payer l’énergie chère pendant que les Chinois s’abreuvent à grands traits du pétrole russe et que les Américains nous assomment avec le gaz liquéfié qui coûte 10 fois plus cher que le gaz russe. Conséquence : de nombreuses usines de fabrication d’engrais ont fermé en Europe faute de pouvoir s’approvisionner en gaz bon marché.
80 % de nos engrais sont importés
Aujourd’hui, 80 % de nos engrais sont importés, ce qui est incompatible avec l’esprit de souveraineté prôné par nos dirigeants. À cet égard, le projet d’investissement du consortium européen FertigHyIl dans une usine de fabrication d’engrais dans la Somme, utilisant l’hydrogène de l’eau comme énergie, est a priori pertinente. D’autant plus que, dans une situation de guerre en Europe et d’un climat de nombreux conflits latents dans le monde, la disponibilité des matières premières sur le marché n’est pas simplement une question de commerce ; elle est surtout tributaire d’enjeux géopolitiques. En temps de guerre, les flux de marchandise et de services sont davantage orientés par des décisions politiques que par la règle de l’offre et de la demande qui régit traditionnellement les échanges internationaux en temps de paix. Ce qui conduit David Baverez à dire : « En économie de guerre, notre agriculture aura du mal ».