La sève pour la plante est aussi vitale que le sang dans l’organisme. À travers des vaisseaux dédiés – le xylème et le phloème – et dans un sens bien précis, elle circule dans toutes ses parties et assure ainsi sa croissance.
Le xylème conduit la sève montante (sève brute). Provenant directement du sol via les racines, celle-ci contient essentiellement de l’eau et des minéraux. Mais aussi des microorganismes : en effet, via ses exsudats racinaires, la plante cultive les microbes du sol (bactéries, champignons unicellulaires type levures…). Appelés endophytes, ces microbes servent de nourriture en étant digérés par oxydation, c’est le « cycle de rhizophage ». Ces résidus de microbes et d’autres nutriments sont transportés par le xylème vers les tiges, les feuilles et les fruits. C’est pour cela qu’un animal qui pâture s’inocule du microbiote du sol de la parcelle en consommant une plante vivante verte.
La sève circule dans toutes les parties de la plante.
Une photosynthèse efficace pour un sol vivant
Le phloème conduit la sève descendante (sève élaborée). Celle-ci est enrichie en substances carbonées (sucres) issus de la photosynthèse. Sa qualité reflète ainsi la biodisponibilité des éléments du sol, qui se répercutera indéniablement sur la qualité des exsudats racinaires et donc sur la stimulation de la vie microbienne. On estime que près de 40 % des produits de la photosynthèse sont ainsi dirigés vers le système souterrain. Il y a donc tout intérêt à favoriser une bonne photosynthèse pour que l’écosystème racinaire (zone de la rhizosphère, soit 0 – 10 cm du sol) soit efficient.
Un sol vivant est un sol qui a la capacité de fournir aux plantes les éléments nutritifs dont elles ont besoin, de manière régulière et en quantités nécessaires. Ainsi cinq éléments sont indispensables pour réaliser une pleine photosynthèse : magnésium, fer, manganèse, azote et phosphore. Une carence de l’un de ses éléments freine ce bon processus de transformation (lumière en énergie chimique) dans les feuilles. Or ce qui est présent dans le sol n’est pas forcément disponible pour la plante. Le manque de porosité (compaction) et le pH du sol sont les deux principaux facteurs influents sur la biodisponibilité des éléments.
Un sol fertile donne une sève de qualité
Comme la qualité de la sève (teneur minérale, pH) varie selon la bonne santé du sol, son analyse peut servir à évaluer les désordres chimiques de ce sol. Mieux, ces analyses permettent d’identifier en avance des défauts nutritionnels – plusieurs semaines avant la maladie ou l’attaque de ravageurs – et de corriger par une fertilisation foliaire dont l’action est plus rapide que par le sol. Cette approche favorise donc une réponse plus précoce de la plante (couleur, vigueur…) grâce à une amélioration de la photosynthèse.
Ce type d’analyse est réalisé de manière très précise en laboratoire (16 minéraux, pH, sucre…). Mais il est possible d’évaluer rapidement l’état de santé de la plante directement au champ avec des outils simples : un pHmètre et un réfractomètre. En fonction du résultat, il sera temps de réagir en choisissant la bonne option. Des fertilisations foliaires composées de cations (Ca, Mg…) vont favoriser une augmentation du pH de la sève (meilleure efficacité si corrélées à des acides aminés) et ainsi réduire les attaques d’insectes. Inversement, l’apport d’engrais typé N ou P aura tendance à abaisser le pH de la sève. Plus le % Brix (indicateur du taux de sucres et de nutriments dans la sève) est élevé, plus la plante est en bonne santé. Pour l’herbe, le % Brix est considéré comme correct à partir de 12. Pour les légumineuses au-dessus de 14. Sur le terrain, un pH de 6,4 et un % Brix élevé dans la sève indiquent une bonne santé de la plante et par conséquent du sol. D’autres corrélations permettent en revanche d’identifier les carences. Ainsi un pH bas et un % Brix bas indiquent un manque de potasse. Un pH faible et un % Brix moyen pointent un manque de calcium.
Une bonne minéralisation permise par un sol vivant est donc la clé. Obtenir plus de nutriments sous une forme appropriée dans les tissus végétaux, lors des stades de croissance, garantit une bonne santé globale de l’écosystème. Ainsi la forme appropriée, la biodisponibilité et le timing d’apport sont plus importants que la simple notion de quantité.
Anticiper avant de subir
Les champignons et ravageurs sont attirés par les plantes en raison de leur faible pH et de leur niveau faible de % Brix. Les apports foliaires en tout début de symptômes sont intéressants pour corriger des pH de sève. La précocité de l’intervention compte. Pourquoi ? Car un frein majeur à l’augmentation du pH de la sève de plantes déjà affectées est que la plupart des infections des agents pathogènes exsudent des composés acides qui participent à abaisser continuellement le pH.
Florent Cotten / éleveur et conseiller en pâturage