Les agriculteurs à l’affût de solutions

Les populations de sanglier explosent, au grand dam des agriculteurs, alors que le nombre de chasseurs diminue. Dans certaines communes et notamment sur le littoral, des terres en friche ne sont plus chassées.

19945.hr light - Illustration Les agriculteurs à l’affût de solutions
Dans moins de 2 ans, tout le Finistère sera colonisé par le sanglier. | © 19945.hr light

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Prenons en exemple le cas du département du Finistère, où l’année dernière 3 700 sangliers ont été prélevés sur le territoire contre 300 il y a 15 ans. Ce constat est aussi valable dans les départements voisins, ainsi qu’à l’échelle nationale : quand on tuait 36 400 têtes en 1975, on en abat 890 000 en 2023. En près de 50 ans, les prélèvements ont été multipliés par 24. Ces animaux prolifèrent, « leur explosion n’est pas le fruit du hasard… Il y a eu une volonté de développer le grand gibier pour la chasse, nous avons désormais des zones non chassées. En parallèle, le nombre de chasseurs va en diminuant », insiste Jean-Michel Grangeon, paysan dans la Loire siégeant au CNCFS (Conseil national de la chasse et de la faune sauvage). Il intervenait lors d’une table ronde organisée par la Confédération paysanne du Finistère sur les dégâts engendrés par les sangliers et sur la gestion des populations, à Brennilis (29). Les effectifs de ce gros gibier ne sont pas connus directement, ils se déduisent de l’évolution des tableaux de chasse. 

Si le territoire national pouvait compter sur 2,2 millions de chasseurs en 1975 pour maintenir à un niveau acceptable des populations de grand gibier, ils ne sont plus 964 000 en 2023. Aujourd’hui, la moitié d’entre eux ne chassent pas le sanglier. « Il n’y a pas 50 solutions, il faut donner les moyens aux chasseurs d’intervenir en tout temps et en tout lieu ».

890 000 sangliers prélevés en France en 2023

Un système agro-cynégétique qui ne fonctionne plus

Jean-Noël Ballot, bénévole pour Bretagne Vivante, attire l’attention sur des zones qui ne peuvent plus être chassées, à l’image de communes littorales comme Plougastel-Daoulas (29), « où les gens ne vendent pas leurs terrains en espérant qu’ils deviendront constructibles. Ces terrains partent en friche ». Dans certaines municipalités, seulement 30 % des surfaces sont chassées. Même constat pour Julien Tallec, porte-parole de la Confédération paysanne du Finistère, qui observe « une déprise agricole dans les Monts d’Arrée, devenus véritables refuges à sangliers. Dans 10 ans, le système agro-cynégétique ne fonctionnera plus ». Cartes du Finistère à l’appui, Pascal Bihannic, directeur technique à la fédération départementale des chasseurs du Finistère, projette des documents qui se teintent d’une couleur de plus en plus foncée au fil des années, synonyme d’un accroissement des populations. « Dans 3 ans, nous serons à 5 000 sangliers prélevés. Dans moins de 2 ans, la totalité du département sera colonisée. Avec le Gard et le Lot, le Finistère fait partie des 3 départements qui ont vu le nombre de sangliers augmenter de 20 % par rapport à 2021. On trouve désormais des animaux dans les choux-fleurs », déplore-t-il.

Un travail saccagé

Au-delà des répercussions sur le revenu engendrées par des cultures ravagées ou des trous importants creusés dans les pâtures, Jean-Michel Grangeon estime que les dégâts « touchent la personne dans son fond propre : ce qui est le plus difficile à accepter pour les paysans est le saccage de leur travail ». Julien Tallec estime que « l’herbe est le parent pauvre des dégâts de sangliers. Ce sont souvent des trous disséminés dans les champs ». Un éleveur de la salle fait remarquer que la remise en état de ses pâtures « prend 2 heures de travail à l’hectare. Sur 40 ha et à raison de 100 €/h, cela représente 4 000 € par an, tous les ans ». Un autre agriculteur estime qu’il faut « abattre les laies, qui sont les plus prudentes. Les ragots se méfient moins ». Et il demande d’aller encore plus loin, en « autorisant le tir depuis la cabine du tracteur ». Une jeune laie qui met bas en début d’année donne des petits qui à leur tour peuvent faire une portée en fin de saison.

Face à cette évolution exponentielle, une boîte à outils est ressortie en 2019. Cet outil mis à disposition des départements « doit être élargi », selon le syndicat, en adoptant des mesures comme la possibilité d’utiliser la chevrotine pour le tir des sangliers en battue à courte distance, d’utiliser le piégeage ou la possibilité, en cas de nécessité, d’intervenir la nuit pour prélever. Les responsables aimeraient enfin avoir un chasseur référent par territoire, qui peut être appelé et intervenir rapidement quand il y a une menace. 

OPINION – Léo Parrel Éleveur à Plouezoc’h (29) et responsable sanglier à la Conf’29

Il faut déclarer ses dégâts

Les sangliers tournent autour de mon élevage de porc plein air surtout quand les cochettes sont en chaleur. Les talus et les clôtures peuvent être défoncés. C’est un sujet très sensible à cause des risques de peste porcine africaine. Mais on ne réglera pas le problème en montant des forteresses pour nos animaux sans régulation. La fédération de chasse va nous former à l’obtention du permis de chasser, ainsi qu’à une formation complémentaire pour la chasse à l’approche et à l’affût, qui est beaucoup moins dérangeante qu’une battue. De plus, les paysans connaissent leurs terres et les endroits de circulation du gibier. Enfin, on sous-estime les dégâts s’il n’y a pas de déclaration. Il faut absolument les déclarer.


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