« Quand on a un hiver très humide comme cette année, ça retarde les épandages… Au cas où un adhérent insiste pour qu’on vienne, même si on sait que ses parcelles sont mouillantes et qu’il est inutile de se déplacer, on y va, on constate que c’est impraticable et on repart… ».
Un constat partagé par Philippe Boulard et Nicolas Besret, respectivement président et responsable de la Cuma de Plurien, l’une des plus anciennes de Bretagne. D’une même voix, les deux hommes nous expliquent comment ils s’efforcent d’adapter le fonctionnement de leur coopérative à l’évolution permanente des besoins.
Inutile d’avoir du matériel plein la cour si on n’a personne à mettre dessus.
Sans eux, on n’est rien
« La Cuma, c’est comme un prolongement de l’exploitation pour nos adhérents. Elle permet de mettre à leur disposition un matériel performant qu’ils ne peuvent pas ou plus se payer. Cela-dit, inutile d’en avoir plein la cour si on n’a personne à mettre dessus… Sans nos gars, on n’est rien ! ».
Voilà pourquoi à Plurien, les salariés constituent la clef de voûte de l’organisation : « La polyvalence est la première qualité que nous recherchons. Nul ne doit être irremplaçable… On ne veut pas de ‘tourne-volant’ mais des personnes qualifiées et autonomes. De plus, nous encourageons une forme de responsabilisation en affectant à chacun du matériel. En hiver, le salarié suit un plan d’entretien et complète des fiches journalières. Deux personnes sont en charge des plannings et une troisième dirige l’atelier. Au contact régulier du matériel, du terrain et de nos adhérents, nos salariés nous remontent de précieuses informations que le conseil d’administration prend en compte dans ses décisions. Globalement, on peut dire que l’ensemble du fonctionnement est délégué à l’équipe. Cela fonctionne d’abord sur la confiance et l’autogestion : pas d’horaires imposés, mais des missions à accomplir avec une souplesse d’organisation. »
Avantages et formations
Cela n’empêche pas la Cuma de Plurien d’être confrontée, elle aussi, à des difficultés de recrutement. Un salarié comme Nicolas Besret, recruté en 2007 et toujours là… Cela devient rare. « On essaie de limiter le turnover en offrant des avantages : semaine de 4 jours de novembre à mars, 6 semaines de congés payés et 13e mois. Et on s’appuie sur nos partenaires comme la FNCuma pour proposer des formations qualifiantes. »
En résumé, le défi est double : « Rester à la pointe techniquement tout en gardant à l’esprit que c’est toujours la réalité du terrain qui l’emporte ». Viser ces deux objectifs permet à la Cuma de Plurien d’être souvent le bon intermédiaire entre ses adhérents et des acteurs clés comme les coopératives, semenciers et autres fournisseurs.
Repères
Cuma de Plurien :
• Créée en 1946 ;
• 135 adhérents ;
• 13 salariés ;
• 13 tracteurs,
• 7 moissonneuses ;
• 2 ensileuses, 3 tonnes ;
• 3 000 ha travaillés ;
• Investissement annuel : 700 000 € ;
• CA : 2 000 000 € ;
• Président depuis 2016 : Philippe Boulard ;
• Responsable – trésorier : Nicolas Besret.
Se concentrer sur l’élevage
Au Gaec de Carvalan à Pléboulle, Eugène et Daniel Durand produisent 3 600 porcs charcutiers et 550 000 litres de lait. Ils confient l’ensemble de leurs travaux à la Cuma de Plurien : « Nos parents étaient déjà adhérents. Au fur et à mesure, on a tout délégué. La stratégie est simple : saturer notre poste main-d’œuvre sur l’élevage. Comme on a peu de surfaces (61 ha), le calcul de rentabilité est vite fait ! On reste fidèle à notre Cuma parce qu’elle correspond à nos demandes et qu’elle est efficace. Les gars sont très professionnels. L’an dernier, ils ont épandu 900 m3 de lisier en à peine 10 heures. Ils connaissent la ferme par cœur et savent aussi bien que nous ce qu’ils ont à faire. Bien sûr, on a nos exigences, mais il y a un cahier des charges. Ils savent qu’on a de l’herbe à faucher, du maïs à semer… Nous, on leur fait confiance. Ils interviennent de façon toujours pertinente, cela se fait tout seul. Pour le reste, on pense qu’il est important de ne pas trop les enquiquiner parce qu’on sait que cela peut être très compliqué pour eux. Alors parfois, ne rien dire, c’est être mieux servi .»
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Pierre-Yves Jouyaux