Avec ses pluies abondantes de 1 000 mm qui arrosent tous les ans les prairies et les cultures, le territoire du nord de Brest semble béni des dieux… De Ploudaniel à Ploumoguer, la dominante laitière est très marquée. Et cette économie énergique profite aux Finistériens. « Sur les 14 communes de la Communauté Lesneven Côte des Légendes, nous comptons 260 exploitations agricoles, à dominante bovin lait, qui génèrent 2 000 emplois. Rappelons que quand un céréalier produit un emploi direct ou indirect, un producteur de lait peut en créer 9 », chiffre Claudie Balcon, maire de Lesneven (29) et présidente de cette EPCI. Même constat dans la communauté de communes voisine, celle des Abers, qui compte 525 chefs d’exploitation et où le lait représente 38 % de la production. Et cette rivière blanche nourrit, seulement sur ce territoire de Plabennec et de ses alentours, 405 000 consommateurs en produits laitiers.
Une IA toutes les 10 minutes
Pour suivre les 420 adhérents de l’agence Innoval de Saint-Renan, 5 conseillers d’élevage, 9 inséminateurs, 5 agents de pesée, 1 conseiller sanitaire et 1 agent Farrago sont à disposition. Chaque jour, 140 inséminations artificielles sont pratiquées par la coopérative, soit en moyenne un peu moins de 6 par heure, une toutes les 10 minutes… « Il y a eu 2 000 inséminations faites avec de la semence sexée et 2 000 génotypages de réalisés sur 2023, 19 100 constats de gestation. De plus, nous avons prélevé 165 240 échantillons de lait sur une année par nos 5 agents de pesée. La moyenne d’étable s’établit à 8 300 kg de lait », décrit Tangi Le Gléau, responsable de l’agence Abers Bas Léon, qui couvre une zone s’étendant de Landerneau à Plouvien et jusqu’à la pointe Saint-Mathieu. Ces chiffres sont à peu de chose près similaires dans les autres agences, « mais nous parcourons moins de kilomètres », les exploitations étant très proches l’une de l’autre.
L’entraide dans le cœur
Julien Hindré est installé à Plouzané, au centre de cette voie lactée. Sur une photo aérienne de son village affichée dans un local de la ferme familiale, la densité de bâtiments agricoles saute aux yeux, on dénombre facilement une dizaine d’exploitations aux portes de la sienne. « Le fait d’être beaucoup d’agriculteurs donne de la dynamique. Quand il y a une cessation d’activité, les reprises de terre se font dans la logique, en bonne intelligence. On reste soudé, dans une optique de production ». Cette entente entre éleveurs s’illustre par de nombreux évènements festifs organisés, des comices, une implication dans les syndicats ou encore dans l’adhésion à des Cuma. C’est le cas du Finistérien, président de la coopérative d’utilisation de matériel de sa commune, la Cuma Ar Bodoù. « Nous travaillons en inter-Cuma : on se partage le matériel avec d’autres coopératives. Nous disposons d’un mécanicien qui réalise des prestations extérieures ». Cette Cuma sait aussi sortir des frontières de sa commune. Ainsi et pour cette campagne d’implantation du maïs, la Cuma Ar Bodoù n’a pas hésité à envoyer hors Bretagne du matériel de semis jusqu’en Vendée, région où les terres ont essuyé de fortes précipitations, quand les chantiers étaient terminés sur la pointe Finistère.
Échanger, au propre comme au figuré
Forcément et après avoir repris la ferme de son père, Julien Hindré connaît « tout le monde. C’est très agréable ». Aujourd’hui à la tête d’un troupeau d’une centaine de vaches et en employant un salarié, l’éleveur ne se voile pas la face: « On perd des agriculteurs, mais il faut tenir, il faudra toujours produire du lait. Mon espoir est que le métier paie encore plus ». Le bâtiment construit à son installation en 2011 sera prochainement amorti, « je ne prévois pas de m’agrandir », les échanges parcellaires ont rendu accessible aux vaches des prairies proches des bâtiments. « Je préfère me concentrer sur mes pratiques pour me dégager du temps libre ». Une partie de ce temps est consacrée à la communication. Le Plouzanéen aime ouvrir ses portes pour des visites d’école et organise même des goûters d’anniversaire sur sa ferme. « Il y a des semaines où j’ai 4 ou 5 visites ». Cette action de communication qui dure environ 1 heure est épaulée par l’association Agriculteurs de Bretagne, dont Julien Hindré est un membre actif. « Il y a de l’avenir dans notre production, la proximité de la ville est un point fort pour la vie sociale, et l’immobilier est encore accessible », un petit plus qui participe à attirer davantage de salariés agricoles.
Fanch Paranthoën