Ces passionnés font vivre les malouinières

Les malouinières étaient les résidences secondaires des armateurs de Saint-Malo, qui venaient goûter au calme de la campagne à la belle saison. Entretenues par des passionnés, certaines abritent des trésors aussi bien à l’intérieur que dans leurs « jardins écrins ».

La malouinière avec sa grande pelouse devant - Illustration Ces passionnés font vivre les malouinières
La construction de la malouinière de la Ville Bague pour de riches négociants s’est terminée en 1715.

La plupart des malouinières furent construites entre 1680 et 1730 à quelques kilomètres de la cité, par les armateurs malouins. Ces derniers voulaient échapper à la ville (qui comptait 20 000 habitants intra-muros en 1750 contre 2 500 aujourd’hui), tout en restant assez proches – environ 2 heures à cheval – pour pouvoir s’occuper de leurs navires. Sur les 150 malouinières existantes, il en reste 112 aujourd’hui, dont une dizaine de taille conséquente.

À Saint-Coulomb, la construction de la Ville Bague pour la famille Éon, de riches négociants qui avaient ouvert de nombreux comptoirs à l’étranger, s’est terminée en 1715. Après avoir connu plusieurs propriétaires, la malouinière a été rachetée en 1975 par Jacques Chauveau, homme d’affaires passionné de marine, et sa femme Madeleine, qui ont mené un long travail de restauration des bâtiments et du parc de 4 ha, aujourd’hui ouverts au public. Depuis 20 ans, Marie-Hélène Cojan-Chauveau, leur fille, et son compagnon Éric Lopez, font vivre le lieu en racontant son histoire. Guillaume Cojan, le fils de Marie-Hélène, les a rejoints, notamment pour s’occuper de la partie réceptions et gîtes. « À l’époque des armateurs, la famille déménageait en avril en carrosse avec les 26 serviteurs et tout le mobilier et demeurait dans la résidence secondaire jusqu’en septembre », expliquent-ils.

Un long travail de restauration

Collections d’armes et vaisselle d’époque

À l’intérieur, on peut découvrir un papier peint panoramique qui date de 1820, représentant l’arrivée de Pizarre chez les Incas. « Il fut déposé et vendu en 1972 et retrouvé à vendre sur le marché de l’art en 1976. Très endommagé, il a été restauré par les Beaux-Arts à Paris », détaille Éric Lopez. Construite en pierres de pays enduite de crépi, la Ville Bague présente toutes les caractéristiques d’une malouinière : le logis central, encadré de deux ailes latérales en léger retrait, présente sept travées ; les chaînes d’angle, les encadrements de fenêtres et de portes sont en granit ; la toiture est surmontée de cheminées monumentales.

Sur le site, une chapelle et un pigeonnier se visitent également. Les propriétaires montrent leurs belles collections d’armes (pistolets, hache d’abordage, sabre…) et de vaisselle d’époque. À voir par exemple, les porcelaines de Chine, un porte-ananas en opaline, les fourchettes à melon, la pince à artichaut. Des commodes malouines, un coffre de Nüremberg avec ses 14 points de fermeture, un meuble « billet doux » témoignent aussi du riche passé malouin.

Des jardins remarquables

Autre atmosphère à la malouinière de Montmarin située à Pleurtuit en bord de Rance, appartenant à la même famille depuis 6 générations. « Nous sommes des passionnés du végétal », lance Thibault de Ferrand qui gère aujourd’hui le domaine abritant un jardin à la française et un autre à l’anglaise, des allées de tilleul, un potager clos-de-mur, une pépinière… Des espèces remarquables sont présentes telles que les bambous noirs ou les arbres aux 40 écus plus que centenaires.

Des plantes de rocaille ont été positionnées sur l’ancien chantier naval. Au XVIIIe siècle, Benjamin Dubois fabriqua des bateaux à Montmarin. Une maquette reconstitue le chantier naval dans un de ses bâtiments restauré en 2014.

Les espèces végétales du domaine sont mises en valeur par les 5 personnes travaillant sur le site dont Hervé Courteille, chef jardinier. Présent depuis 26 ans sur le domaine, il a transmis son savoir-faire à Thibault de Ferrand. « Aujourd’hui, nous devons nous adapter au changement climatique qui touche le jardin », soulignent-ils. Le magnolia plus que bicentenaire a perdu une branche maîtresse lors de la sécheresse de 2022. « Nous allons devoir accompagner le jardin et planter de nouvelles espèces. » Sur une SAU de 77 ha, le domaine compte aussi des vergers de pommes à cidre (42 ha) et des cultures.

Agnès Cussonneau

Les armateurs devenaient corsaires

La prospérité de Saint-Malo date des XVe et XVIe siècles. L’aventure maritime connaît un essor au temps des guerres du Roi Soleil. Muni d’une « lettre de course », l’armateur devient corsaire, les prises étant partagées avec le roi et l’équipage. Dans le même temps, le commerce maritime se développe avec le trafic de la Compagnie des Indes notamment. Les navires rapportent des cotonnades et soieries des Indes, du thé, de la porcelaine… L’architecture se développe sous l’influence de Garangeau, ingénieur du roi, et des techniques de la construction navale (charpentes des chapelles en forme de coque de bateau).


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