On l’oublie. L’entre-temps 1950-2024 fait partie des rares et courtes périodes des derniers millénaires pendant lequel les Européens ont régulièrement mangé à leur faim. Mieux : pendant ce trois-quarts de siècle d’assiette pleine, ils n’ont même pas eu à se préoccuper de glaner ou de produire leur alimentation. Jamais dans son histoire, Homo sapiens n’avait pu se soustraire à ce point à cette préoccupation quotidienne vitale. Jusqu’à oublier que pour manger il faut produire. Et que pour produire, les conditions naturelles doivent être réunies et stimulées… Prenons l’exemple de la pomme de terre cette année. Depuis mai, les producteurs doivent ferrailler contre le mildiou qui a explosé sous l’effet de la météo humide. Cent-quatre-vingts ans plus tôt, une telle situation aurait été fatale pour la culture, comme ce fut le cas en Irlande en 1845. La pourriture généralisée des pommes de terre engendra cinq années de famine qui terrassa 1 million d’Irlandais et contraignit 2 millions d’autres à émigrer. Mais le mildiou n’est pas seul responsable de cette hécatombe et de cet exil. Le laisser-faire des politiques anglais et leur volonté de mater les Irlandais catholiques sont incriminés.
Aujourd’hui, la génétique, la technologie, le savoir-faire technique écartent un tel risque de destruction totale d’une culture. Du moins l’espère-t-on… Et comme le montre l’histoire, les leviers politiques dûment actionnés peuvent – si la volonté est là – préserver les populations d’un tel désastre. À cet égard, l’union des peuples, la coopération et les échanges internationaux sont de nature à éviter de telles catastrophes. L’obstination de repli défendue actuellement par de nombreux leaders politiques européens et français est de ce fait incompréhensible et totalement irresponsable.