Savoir demander de l’aide
« Lorsque la situation d’une exploitation est trop détériorée, mieux vaut parfois s’arrêter et rebondir sur un autre projet. Ce n’est pas un déshonneur. Je suis convaincu de l’utilité de toutes les structures qui, comme Solidarité Paysans, accompagnent les agriculteurs en difficulté et les aident à trouver des solutions. Il faut savoir demander de l’aide avant qu’il ne soit trop tard ».
Dominique Trubert
Président de la Caisse de Bretagne de Crédit Mutuel Agricole
Si chaque histoire est différente, le début est souvent le même. À l’autre bout de la ligne téléphonique de Solidarité Paysans, il y a un agriculteur en détresse. « Ce sont les paysans qui nous appellent, souligne Paul Renault, éleveur retraité et président de l’association bretonne. Cela doit être une démarche volontaire de leur part, ils deviennent ainsi acteurs de la solution ». Intervient ensuite la rencontre avec le bénévole et un salarié de l’association. « Nous nous rendons au domicile de la personne qui sollicite notre aide, explique François Guégan, ancien producteur de lait et trésorier de l’association. Il est important pour nous de voir et de comprendre son cadre de vie ». Et pour celui qui doit se confier à des inconnus, être dans son environnement habituel facilite également les choses
L’entrevue, qui reste toujours confidentielle, permet au duo de Solidarités Paysans d’effectuer un tour d’horizon complet de l’exploitation et de sa problématique. Tous les secteurs – foncier, production, circuit de commercialisation, résultats économiques… – sont passés en revue. « L’objectif est d’écouter et de réaliser un diagnostic précis afin de pouvoir proposer des solutions adaptées, insiste Paul Renault. Le rôle du salarié qui nous accompagne est très important. C’est lui qui va établir les projets de budgets, les prévisionnels d’EBE. Nous essayons de coller au plus près de la réalité. Et le sérieux de notre travail est reconnu ». Pour autant, il faut savoir faire preuve de diplomatie. Et de patience. Car il peut arriver que, dans un réflexe de protection, les personnes en difficulté se forgent une carapace et construisent leur propre réalité…
Des situations de plus en plus complexes
Parfois, deux rencontres suffisent pour établir le diagnostic et identifier les pistes susceptibles de remettre l’exploitation sur les rails. Dans d’autres cas, et notamment lorsque cela implique une procédure collective, le suivi se fait sur la durée. « Il nous arrive d’accompagner un agriculteur jusqu’au tribunal. Nous n’avons pas de tabous. Nous ne sommes pas dans le jugement. La décision finale incombe au paysan. C’est à lui de décider s’il souhaite continuer ou s’arrêter là. À nos yeux, la bonne solution est celle qui permet à la personne de se remettre debout, de retrouver son autonomie et son pouvoir de décision ».
L’an passé, Solidarité Paysans Bretagne a été saisie de 345 situations représentant au total 405 personnes. « Au final, cela s’est traduit dans 171 cas par des conseils économiques, 72 ont opté pour une négociation amiable avec leurs créanciers et 34 se sont soldés par une liquidation judiciaire », analyse Élisabeth Chambry. La directrice note que « les situations auxquelles l’association doit aujourd’hui faire face sont de plus en plus complexes. Près de 40 % de gens qui nous contactent sont installés depuis moins de 10 ans ».
Valeurs humanistes
Indispensables au bon fonctionnement de l’association – ils représentent 6 équivalents temps plein –, les bénévoles, formés régulièrement, sont au nombre de 140 en Bretagne. Parmi eux, figurent nombre d’agriculteurs à la retraite mais aussi des anciens techniciens de coopérative, d’ex-contrôleurs laitiers…
Si les profils varient, tous ont en commun les mêmes valeurs humanistes et une volonté d’agir. « À travers cet engagement, on apprend beaucoup sur soi et sur la nature humaine, témoignent Paul et François. Vous donnez de votre temps mais vous recevez aussi énormément en retour ! »
Jean-Yves Nicolas