Dossier technique

Prendre en compte l’échelle humaine

L’objectif du projet Assistant est de créer des fiches « retour d’expériences » qui décrivent les outils réduisant la pénibilité. Selon leurs coûts, les interventions possibles et les éventuels désagréments liés à la posture au travail, ce document conseillera les maraîchers avant achat.

Une personne filme des maraîchers au travail - Illustration Prendre en compte l’échelle humaine
À gauche, Maët Le Lan filme des opérateurs 
au désherbage.

La station d’essais d’Auray s’est équipée de presque toute la gamme existante en termes de cobotique, d’exosquelette, de lit de désherbage… pour tester ces solutions de réduction de la pénibilité du travail. « Plutôt que d’essayer de faire toutes les opérations de la ferme avec un seul outil, nous identifions les opérations culturales les plus pénibles en maraîchage et vérifions quel outil est le plus adapté », explique Maët Le Lan. Chaque outil, dont certains ont un prix d’achat pouvant aller jusqu’à 35 000 €, va donc être utilisé dans les situations les plus appropriées. Sont ainsi décortiquées les postures lors du désherbage de la carotte, de la récolte des courgettes avec le port de charges lourdes, de la récolte des haricots, de la plantation, du désherbage et de l’arrachage en oignon et échalote ainsi que pour la récolte des fraises. Et ce travail de caractérisation des différents outils va plus loin : « Nous amassons un maximum de références technico-économiques pour élaborer des fiches », retour d’expériences « très complémentaires du cahier des charges des fabricants. La pénibilité au travail dépend des antécédents médicaux et du ressenti de chacun. Il faut prendre en compte l’échelle humaine, personnaliser l’organisation, on le fait rarement dans le monde du travail ». Ainsi et en prenant en exemple un lit de désherbage, un opérateur trouvera l’outil très confortable quand un autre, de plus petite taille, ne pourra pas l’utiliser car la solution ne sera pas adaptée à sa morphologie. Par ailleurs, il y a souvent un transfert de pénibilité avec ces outils, « ce que nous gagnons sur les genoux nous pouvons le perdre sur les cervicales ». La station met à disposition des producteurs tous ces retours d’expériences. En cas d’hésitation avant l’achat du matériel, ils peuvent s’ils le veulent venir les essayer sur la station et échanger avec l’équipe.

La meilleure posture est celle qui change tout le temps

Organiser sa journée

Les équipes de la MSA rappellent que « la meilleure des postures est celle qui change tout le temps ». En culture de légumes, « on peut le faire facilement, en jouant sur 4 à 5 tâches différentes par jour. L’organisation de la journée des producteurs est cruciale ». Aussi et afin de mesurer la charge mentale de ces opérations culturales, le port de lunettes connectées sera prochainement testé à la station. Ces dernières permettent de mesurer avec précision le nombre de fois où les yeux du maraîcher bougent, combiné à la mesure de sa fréquence cardiaque. De ces résultats vont découler une corrélation entre travaux et stress (voir encadré). Enfin et grâce à une combinaison connectée, « on peut caractériser les postures rapidement quels que soient l’opération culturale et le gabarit de l’opérateur, et ainsi multiplier les mises en situation ».

Depuis, la technologie de l’entreprise E-Mage In 3D a évolué : exit la combinaison, place à une personne équipée d’une tablette numérique qui filme l’opérateur au travail. « Un algorithme reconnaît les articulations du corps. Au bout de 5 à 10 minutes de prise de séquences vidéo, on mesure la pénibilité de travaux répétitifs », explique David Pliquet, directeur de la société spécialisée installée à Camaret-sur-Mer (29). Les résultats sont envoyés quasi instantanément sur smartphone.

Évaluer le coût de la pénibilité

Quand 2 personnes sont à la tâche sur une machine, par exemple sur un lit de désherbage, la vitesse d’avancement se fait en fonction de l’opérateur le plus lent. La fatigue est sans doute moindre le soir, mais cette donnée est difficilement chiffrable d’un point de vue financier. Concrètement, on peut vouloir aller vite sur un désherbage, s’atteler toute une journée sur ce poste, et finir sa journée avec des douleurs dans les articulations. La journée du lendemain démarrera sans doute plus difficilement… « Il faut arriver à finir une journée en voulant revenir le lendemain », résume Maët Le Lan. En partenariat avec la MSA, « nous allons tenter de chiffrer le coût accordé à la pénibilité : combien coûte un arrêt de travail, une maladie TMS, la main-d’œuvre saisonnière, un burn-out… »

Fanch Paranthoën

Un regard en dit long

Pour mesurer l’usure psychique au travail liée à la charge mentale, E-mage in 3D observe, par le biais de lunettes connectées, le stress induit par différentes tâches. La cobotique, ou combinaison des robots et de l’humain, « cerne l’opérateur d’éléments mécaniques auxquels il faut être attentif. Le regard est un témoin de cette charge mentale », explique David Pliquet. Les lunettes connectées mesurent à l’aide de caméras « ce que le regard fixe : on voit ainsi si la personne est concentrée ou si l’environnement est perturbant. Le matériel peut en fait parfois devenir anxiogène ». La seconde caméra scrute l’intérieur de l’œil. « Un regard fixe peut être synonyme de stress. Aussi et quand on est stressé, la pupille se contracte ». Plus largement, le responsable estime qu’il faut « rentrer dans une logique de santé globale au travail. La main-d’œuvre, même temporaire, mérite toute notre attention ».


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