C’est l’été. Et l’été est propice à – un peu – de prise de hauteur. Pour ce 6e épisode, nous nous élevons très haut, à niveau du génie d’un agriculteur dont l’invention fête cette année ses 150 ans. Et quelle invention ! Il s’agit bien sûr du barbelé dont l’étymologie se pique de la ronce hérissée d’épines protectrices.
De son temps, son inventeur Joseph Glidden, un fermier de l’Illinois, ne parlait pas de biomimétisme. En 1874, tout paysan était tout simplement fin observateur des astuces de la nature. Bien en a pris à cet agriculteur d’avoir l’œil, et du nez car ce descendant d’immigrés britanniques a sitôt breveté sa version de fils torsadés avec ses pointes barbelées fixées à intervalle régulier. Le succès a été immédiat pour parquer les animaux dans les ranchs qui se multipliaient dans les grandes plaines américaines à l’époque de la Conquête de l’Ouest. Plus tard, cette invention a également contribué à libérer en partie les éleveurs européens de la garde des troupeaux, avant l’avènement de la clôture électrique, autre invention majeure qui a libéré l’homme et permis aux jeunes pâtres de recevoir de l’instruction sur le banc de l’école plutôt que de garder les vaches au champ.
Contrairement à de nombreuses techniques agricoles héritées d’armes de guerre (ammonitrate, produits phytosanitaires), le barbelé est une invention pacifique qui a été empruntée par les militaires pour protéger les lignes de défense et ce dès la Guerre 14-18. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le fil de fer barbelé s’identifie aux impitoyables camps nazis. Aujourd’hui, il se hérisse aux frontières en barrière contre l’immigration. Drôle de conversion que n’aurait sans doute pas imaginée Joseph Glidden, pas davantage que son poids économique qui, un siècle et demi plus tard, est estimé aujourd’hui à 2,3 milliards de dollars en hausse de 5 % par an.