Circuits courts : « Avant de manger local, il faut produire local »

Les JA d’Ille-et-Vilaine ont organisé une table ronde sur le thème du « manger local ». L’occasion d’instaurer le dialogue entre agriculteurs, GMS et élus départementaux.

5 personnes pendant un débat - Illustration Circuits courts : « Avant de manger local, il faut produire local »
De gauche à droite : Guillaume Gautier, Jean-Michel Arondel, Franck Pichot, Laurent Baron et Lucien Souvestre. | © Paysan Breton

Il y a quelques années, le consommateur se tournait plutôt vers le bio lorsqu’il était à la recherche d’une alimentation plus qualitative. Cependant, l’inflation l’a poussé à s’en détourner petit à petit. En parallèle, le label AB a été noyé au milieu d’autres appellations : HVE, AOP, Label Rouge ou autre zéro résidu de pesticides. Pendant le Covid, les Français ont naturellement renoué avec le terroir et se sont tournés vers les fermes pour s’approvisionner en lait, viande, œufs ou légumes. Ainsi, les produits locaux, qu’ils soient biologiques ou conventionnels, ont gagné des parts de marché dans l’équation alimentaire. Plus précisément, en Bretagne, 3300 exploitations vendent leurs productions en vente directe ou en circuit court. « Ce chiffre correspond à un 1/6 des fermes bretonnes », affirme Lucien Souvestre, du bureau des JA 35. « Cela en fait une des régions françaises les plus actives sur ce volet. Le manger local est une thématique qui a du sens, en particulier pour son impact social et environnemental. Cependant, avant de manger local, il faut produire local. »

Le consommateur a besoin qu’on lui raconte une histoire

Fidéliser le consommateur

Jean-Michel Arondel, installé sur une exploitation laitière avec son épouse à Amanlis (35), a pris le pari de la transformation à la ferme et de la vente directe en 2021. Son exploitation se trouve à moins de 30 km de Rennes et à 6 km des deux villes de moyenne taille que sont Janzé et Châteaugiron. « En parlant avec le grand public au Salon de l’agriculture de Paris, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas un fossé mais un fleuve qui sépare le consommateur du monde agricole », raconte l’agriculteur. « C’est aussi vrai quand on discute avec les citadins rennais. » Appréciant le contact humain et motivé par l’envie de faire découvrir leur métier, le couple a alors investi dans un atelier de transformation et un magasin à la ferme. Ils y vendent principalement divers produits laitiers et de la viande issue de leur troupeau de Normandes. Les rayons sont complétés avec du miel, du cidre ou du jus de fruits produits par des agriculteurs alentours. « Pour fidéliser le client, la diversification est obligatoire. Il faut qu’il puisse acheter un panier complet chez nous. »

Un dossier chronophage

Dans un monde où tout va vite, l’alimentation en semaine doit être rapide et efficiente. Le week-end est l’occasion de ralentir et de se recentrer sur une alimentation de meilleure qualité. « Les gens sont contents de manger local le week-end », observe Jean-Michel Arondel. « En revanche, la vente directe nous demande un temps considérable. Même si nous faisons le métier le plus noble à mon sens, nous allons à contre-sens de la société. On parle de 35 heures et de semaines de 4 jours quand nous ne comptons pas nos heures passées sur cet atelier. Au bout de 3 ans, nous sommes à l’équilibre sur la partie vente directe bien que notre ferme soit en place depuis 20 ans. »

Le rôle des distributeurs

Pour promouvoir le « manger local », les GMS ont leur rôle à jouer. En Bretagne, 5% de leur chiffre d’affaires provient d’ailleurs de ce créneau. « Quand on met en avant l’ultra-local, c’est avant tout beaucoup de relations humaines », déclare Laurent Baron, responsable du Super U de Louvigné-du-Désert (35). « Il faut aussi s’assurer que l’on respecte la philosophie du producteur. » L’enseigne a par exemple mis en place la charte « Le meilleur du local » pour mettre en valeur des producteurs locaux dans un rayon de 250 km autour du supermarché. Les produits concernés sont rapidement identifiables en magasin grâce à une signalétique spécifique. « Cela permet de donner de la visibilité au travail des agriculteurs du coin », ajoute Laurent Baron. « Le consommateur a besoin qu’on lui raconte une histoire. » Jean-Michel Arondel, qui vend également certains de ses produits laitiers dans une enseigne U, affirme : « Le prix que nous avons demandé a été accepté tout de suite, il n’y a pas eu de négociations. C’est un bel exemple de partenariat qui peut exister en une grande surface et un producteur. »

Alexis Jamet

Les clients fidèles restent

Opinion – Guillaume Gautier – Agriculteur à Saint-Rémy-du-Plain (35)

« Je suis installé depuis 7 ans et j’ai choisi la vente directe car j’avais envie de créer du lien avec les consommateurs et de donner encore plus de sens à mon métier. Même si j’ai perdu environ 50% de ma clientèle à la sortie du Covid et que les gens se déplacent globalement moins à la ferme, je retrouve mes clients fidèles sur les marchés dans un rayon d’une dizaine de km. Quand quelque chose fait vibrer un consommateur, il y va jusqu’au bout. Je fournis également une cantine de collège en produits de saison. Je pense que le chef cuisinier ne reviendra plus en arrière, le partenariat fonctionne extrêmement bien.»


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