Même si les sols ont plutôt été arrosés dans l’Ouest cette année, le changement climatique interroge. Les agriculteurs s’adaptent au fil du temps. « C’est le cas aussi des éleveurs herbagers. Ils mettent en place des techniques qui font leurs preuves », ont précisé les responsables de l’Adage 35 qui ont organisé une porte ouverte sur cette thématique le 28 juin chez Nicolas Rubin, à Argentré-du-Plessis, à l’est de l’Ille-et-Vilaine.
Il fait partie de ces producteurs qui innovent, requestionnent en permanence leur système pour continuer à concilier herbe et performance économique. Il adhère à un groupe d’éleveurs de l’Adage « qui permet d’évoluer dans un cadre motivant et sécurisant. »
Pâturage de colza et betteraves
Seul sur l’exploitation, il conduit un troupeau de 53 vaches laitières (67 UGB) et commercialise 364 000 L de lait, 10 000 L sont consommés par les veaux. L’exploitation est assise sur une SAU de 52 ha dont 46 ha accessibles aux laitières. 43,5 ha de prairies temporaires sont cultivés ainsi que 4 ha de prairies sous couvert de méteil, 4 ha de maïs et 0,5 ha de betteraves. Ces dernières sont pâturées au fil par les vaches entre fin septembre et janvier. « Des variétés qui sortent de terre », précise Nicolas Rubin.
Avant la betterave, un colza est implanté en juin derrière une prairie retournée. « Il est pâturé au fil entre fin septembre et décembre. La betterave est plantée vers le 26 avril. Cette année, je pense faire différemment en semant à la volée, avec le quad, le colza dans la betterave, fin août – début septembre. »
Des vêlages groupés à l’automne
L’éleveur réalise aussi du stock sur pied. « J’arrête les fauches des prairies à la mi-juin puis elles sont pâturées à des stades de plus en plus avancés. Outre l’économie de mécanisation, ces fourrages plus fibreux arrivent au moment du tarissement. » En effet, depuis 2 ans, il s’oriente vers des vêlages groupés à l’automne permettant des besoins moindres en fourrage l’été. Pour ne pas rouvrir le silo d’herbe, de l’enrubannage peut être distribué avec du foin sur cette période.
« Cela simplifie aussi l’élevage des génisses. Elles passent les premiers mois en bâtiment avec un accès à l’extérieur, sortent à 6 mois au printemps suivant puis reviennent en bâtiment pour les IA en hiver. L’objectif est d’avoir des vêlages à 24 mois. » Un autre intérêt aux yeux de Nicolas Rubin est de disposer de plus de temps libre, avec un temps de traite réduit l’été voire la possibilité de passer en monotraite. « Aujourd’hui, 2/3 des vaches vêlent à l’automne et je ne garde que les génisses nées à l’automne. »
Autre levier pour passer l’été, des intercultures estivales sont implantées, comprenant au semis 5 kg de chicorée, 2,5 kg de trèfle de Perse et 2,5 kg de trèfle d’Alexandrie. « L’objectif est d’avoir un fourrage vert à pâturer en juillet et août. Et les prairies en précédent sont retournées début juin, quand il fait chaud. »
Diversité des espèces prairiales
La diversité est de mise dans les prairies incluant des choix d’espèces résistantes à la sécheresse : RGA diploïde (6 kg), RGA tétraploïde (6 kg), fétuque élevée (6 kg), plantain (0,5 kg), trèfle blanc géant (2 kg), trèfle blanc intermédiaire (2 kg), trèfle hybride (2 kg) et luzelle (4 kg). « Les prairies sont semées sous couvert de méteil qui contient 25 kg d’avoine et 12,5 kg de vesce. Après une coupe d’ensilage et une 2e coupe d’ensilage ou de foin, elles intègrent le circuit de pâturage début juillet. »
Autre adaptation, un pâturage hivernal est pratiqué, « avec environ 0,5 ha pour 58 UGB. Les bovins restent 5 h par jour et le temps de retour est de 50 – 60 jours. Cet hiver, 36 ha ont été pâturés. » Des analyses d’herbe ont été effectuées dans le cadre du projet AEP sur le pâturage d’hiver (financement agro-écologie par la Région) mené par la Chambre d’agriculture et l’Adage 35. Elles affichent une teneur de 0,99 en UFL et 21,6 % de MAT.
Ombre et abris sont primordiaux en système pâturant : c’est un des rôles que jouent les 5,7 km de haies de la ferme dont 2,5 km plantés entre 2009 et 2021 via Breizh bocage. Une MAEC Haies finance l’entretien. « Les plaquettes servent à la litière des génisses, les vaches sont en logettes avec paille broyée. » Par ailleurs, 3,5 ha sont en agroforesterie intraparcellaire, « pour constituer une stabulation plein air. »
Agnès Cussonneau