Un métier manuel au contact de la clientèle : Les lames à l’œil

Ancienne inséminatrice, Mireille Le Dorner propose désormais un service d’affûtage de lames aux professionnels et aux particuliers.

Dans sa camionnette - atelierne, une rémouleuse en train d'affûter une lame. - Illustration Un métier manuel au contact de la clientèle : Les lames à l’œil
Dans son atelier mobile, Mireille Le Dorner a installé différentes machines pour aiguiser chaque types de lames. | © Toma Dagorn - Paysan Breton

Mireille Le Dorner a travaillé comme inséminatrice pendant 30 ans. Elle a débuté à l’Unog en Normandie avant de revenir rapidement vers sa Bretagne natale en 1993. Elle a alors connu toutes les fusions et restructurations : du CIA de Créhen au groupe Innoval en passant par Amélis et Évolution. « Le métier de l’insémination tire sur les articulations. Pour mes douleurs à l’épaule, j’ai subi une acromioplastie à 55 ans. Je ne me voyais alors pas faire dix ans de plus. Je pensais déjà à la reconversion. Cela a été l’occasion de franchir le pas », raconte la Costarmoricaine. Sans idée précise, elle s’était tout de même fixé un cadre : « Je voulais avant tout une activité manuelle peut-être dans l’artisanat, faire quelque chose de nouveau et travaillé seule, loin des grandes structures. » Par hasard, à la télévision, elle est tombée sur un reportage concernant l’affûtage ambulant. « Un métier qui regroupait à peu près tout ce que j’attendais ! » Le sujet parlait d’un rémouleur de Lannion qui cherchait à céder son affaire. « Après mes vacances, quand je l’ai appelé, c’était déjà vendu. »

À chaque outil, une machine pour lui rendre son tranchant.

Du tranchant en cuisine, en coiffure, en couture, au jardin

Mireille a alors réalisé une petite étude de marché. Dans le coin, il n’y avait pas beaucoup d’affûteurs en activité. Il semblait bien y avoir du pain sur la planche pour qui se retrousserait les manches. « Mes deux fils travaillent dans la restauration. Je constatais parfois que leurs couteaux n’étaient assez aiguisés. J’ai donc vite eu en perspective de proposer mes services aux restaurateurs. » Venant du monde agricole, elle s’est aussi dit qu’il y avait « une mine de travail » à réaliser dans les fermes également. Après s’être renseigné sur les parcours dédiés à cette spécialité, en février 2023, motivée comme jamais, elle est partie pour un mois au Centre de formation d’Escaudain (59) pour apprendre les rudiments du métier. Là-bas, en petit groupe, les différents styles d’affûtage lui ont été transmis. Dans la foulée, elle a lancé son affaire sur l’Est des Côtes d’Armor. Bretonnante originaire de la région de Guingamp, elle a baptisé sa petite entreprise Lemm-Affûtage. « Lemm veut dire tranchant, coupant, pointu en breton. »

Dans sa camionnette – atelier, elle a installé tout le nécessaire. « L’affûtage est un domaine très vaste. À chaque outil ou type de lame correspond une manière de travailler, un angle d’intervention et une machine pour lui rendre son tranchant. Jusqu’à intervenir à la lime comme sur de petits ciseaux à ongles pointus. » Lames de couteaux, de tondeuse, de sécateur, de cisailles, de ciseaux en tout genre… Ou encore chaîne de tronçonneuse. Mais aussi peignes de tondeuses pour animaux (génisses, moutons, chiens…). Mireille Le Dorner repasse un large éventail d’outils. Début 2024, Mireille a suivi une nouvelle cession spécifique à l’affûtage des ciseaux de coiffeur auprès d’un très grand spécialiste. Parfois, il faut faire des recherches et se creuser la tête pour trouver une solution maison. « Récemment, j’ai ainsi dépanné une couturière qui m’a apporté une pièce d’une surjeteuse. » Affûter une lame, c’est souvent une manière de lui rendre sa fonction. Réparer, rénover, recycler – y compris des objets anciens de très belle conception – plutôt que de jeter et de racheter, « c’est aussi dans l’air du temps ».

Un atelier mobile et autonome

Chaque semaine, l’atelier mobile de Lemm-Affûtage se pose sur deux marchés. Les mercredis, il se trouve en alternance à Matignon ou à Broons. Les jeudis, à Dinan ou à Lamballe. Le 2e samedi de chaque mois, la camionnette rejoint le marché de producteurs d’Évran. Un mardi par mois par site, Mireille Le Dorner intervient aussi dans chacun des magasins Métro (enseigne spécialisée dans l’approvisionnement des restaurateurs) de Rennes, Saint-Malo et Saint-Brieuc : « Les professionnels y découvrent mon travail. Si besoin, je prends rendez-vous pour intervenir chez eux, à deux pas de leur cuisine. Beaucoup de restaurateurs ne savent pas que je peux me déplacer et venir directement à leur rencontre pour leur simplifier la vie… » D’ailleurs, la camionnette – atelier a été réfléchie pour être autonome en électricité grâce à une batterie. « Ainsi, je me pose où je veux et travaille sans faire de bruit. » Mireille Le Dorner constate que certains cuisiniers la rappellent pour une nouvelle intervention « en urgence » quelques temps après une premier passage. « C’est bon signe ! Cela signifie qu’ils sont contents. Quand c’est possible, comme pour les échographies dans mon ancien job, j’essaie alors de fixer des rendez-vous réguliers, tous les trois mois par exemple. »

Le service à domicile est aussi valable pour les particuliers. « Entre les couteaux et les outils de jardin, chez certains, il y a une journée pleine de boulot. Plutôt que de tout m’apporter au marché, c’est souvent plus simple de m’accueillir. » Parfois aussi, entre deux marchés, Mireille Le Dorner ramène des lames qu’elle prend en charge chez elle.

Toma Dagorn

Contact : Lemm-Affûtage au 06 30 86 96 43 ou lemmaffutage@orange.fr

Une reconversion heureuse

« C’était une vraie aventure de passer du statut de salarié à la micro-entreprise. N’ayant plus d’enfant à charge, j’ai pu me lancer plus facilement, avec mes économies. J’ai démarré à mon rythme avec comme priorité de faire du bon travail. Chaque jour, le métier rentrait et je prenais de l’assurance. Quand j’ai commencé ma carrière d’inséminatrice, il y avait très peu de femmes et il fallait faire ses preuves. C’est une peu pareil dans l’affûtage, un autre métier à part… », sourit Mireille Le Dorner. Au bout d’un an d’activité, elle a atteint les objectifs qu’elle s’était fixés et surtout s’avoue ravie de cette reconversion. Par rapport à avant, elle force beaucoup moins physiquement, confie-t-elle. « Je fais parfois de longues journées mais avant tout par goût et par plaisir. »


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