La terre est devenue leur métier

Bio Se confronter à la réalité de la profession, échanger avec d’autres exploitants, se constituer un réseau… Parallèlement à leur formation, les candidats à l’installation non issus du milieu agricole multiplient souvent les expériences avant de se lancer. Une stratégie qui porte ses fruits. Témoignages d’éleveurs laitiers et de maraîchers.

Penn ar Menez - Illustration La terre est devenue leur métier
Manon Josset et Nils Revillon ont commencé à apporter leur touche personnelle avec la création de nouveaux fromages très appréciés de la clientèle fidèle. Leur production est commercialisée via la vente à la ferme 
ainsi que sur les marchés de Châteaulin et de Brest Kérinou.

Implantée sur les hauteurs de la commune finistérienne de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h, la ferme laitière de Penn ar Menez fait presque figure d’institution. Exploitée en agriculture biologique depuis 1983, elle accueille actuellement sa troisième génération d’éleveurs, en la personne de Manon Josset et Nils Revillon. Avant de s’installer fin 2022, ce couple de trentenaires non issus du milieu agricole a pris le temps de mûrir son projet et de « valider » sur le terrain son choix d’orientation professionnelle.

« Depuis 2014, nous souhaitions nous rapprocher de l’agriculture. Nous avons commencé par du woofing sur des exploitations de maraîchage ou d’élevage avec transformation, explique Manon. Ces expériences en Alsace, Auvergne et Bretagne nous ont donné envie de passer par une étape de formation ». Tous deux se sont alors orientés vers un BPREA. Puis leur diplôme en poche, ils ont été embauchés comme salariés dans diverses fermes où ils ont pu découvrir des systèmes d’exploitation variés.

Un démarrage rapide

Après avoir envisagé un temps une installation dans le cadre d’un projet collectif, Manon et Nils ont finalement opté pour l’association en Gaec et la reprise de la ferme de Penn ar Menez, avec le concours financier du Crédit Mutuel de Bretagne. « Je connaissais déjà cette exploitation pour y avoir travaillé en 2021, souligne la jeune femme. Elle correspond bien à l’agriculture que nous voulons pratiquer, avec de la transformation et de la vente directe ». Afin de limiter les investissements, le duo a, par ailleurs, fait appel à l’association Terre de liens qui a racheté le foncier.

Il faut accepter de prendre son temps, ne pas vouloir tout chambouler et faire évoluer les choses en douceur

Avec 86 hectares de surface en herbe, 36 hectares accessibles aux vaches laitières, un troupeau d’une trentaine de Montbéliardes, une fromagerie de 120 m², un atelier de poules pondeuses et des circuits de commercialisation – vente à la ferme, marchés, biocoop, restaurants… – déjà établis, le tandem a pu démarrer rapidement. « C’est l’avantage lorsque vous reprenez un système qui tourne bien, reconnaît Nils. Mais le revers, c’est que vous êtes tributaires des choix effectués par vos prédécesseurs. Il faut accepter de prendre son temps, ne pas vouloir tout chambouler et faire évoluer les choses en douceur, qu’il s’agisse des bâtiments ou des animaux ». Ainsi, la stratégie du croisement trois voies retenue pour améliorer la génétique du cheptel devrait porter ses fruits dans 6 ans. Pas vraiment un souci pour ces associés qui se projettent sur le long terme.

La carte du local

À l’autre extrémité de la Bretagne, deux nouveaux agriculteurs sont, eux aussi, en train de concrétiser leur rêve professionnel. La trentaine passée, Sébastien Delva et Philippe Robin, qui travaillaient auparavant respectivement dans les secteurs de l’informatique et de l’immobilier, se sont reconvertis dans l’agriculture et associés pour constituer le Gaec « Au fil des Cesson ». Une dénomination en forme de manifeste. En effet, c’est aux confins de la zone commerciale, qui borde sur son flanc est la ville bretillienne de Cesson-Sévigné, que les deux hommes, accompagnés par le CMB, ont créé leur exploitation maraîchère. Avec pour ambition de proposer aux habitants de cette commune urbaine de la métropole rennaise des légumes de saison, cultivés localement.

Sébastien et Philippe se sont installés à l’automne dernier sur une parcelle de 4 hectares appartenant à la réserve foncière de Rennes Métropole. Des terres qui étaient jusque-là exploitées par Yves Jan, un éleveur laitier bio. Ce dernier ayant choisi de réduire la surface de sa ferme pour permettre une installation, les deux associés ont saisi l’occasion et signé un bail rural à clauses environnementales d’une durée de 9 ans.

Au fil des Cesson
Sébastien Delva et Philippe Robin ont créé le Gaec « Au fil des Cesson », une exploitation maraîchère bio située à proximité immédiate du centre de la commune de Cesson-Sévigné.

Partant de zéro, il leur a fallu tout créer. « Nous avons installé un système d’irrigation enterré et monté deux serres bi-tunnels non chauffées pour un total de 2 000 m², rappelle Sébastien. Par ailleurs, nous avons mis en culture une vingtaine de blocs standards de 50 mètres de long par 20 mètres de large où nous pratiquons une rotation des productions sur 5 ans ». Au planning de cet hiver figure la fin du montage du hangar qui abritera les chambres froide et tempérée, la station de lavage et de préparation des légumes, le local de vie et un espace de vente.

L’importance du réseau

Les premiers légumes ont fait leur arrivée sur l’étal en juin dernier. Et l’accueil des consommateurs est très encourageant, tant du côté de la vente à la ferme proposée chaque mercredi après-midi que sur le marché hebdomadaire du samedi matin à Cesson-Sévigné. La localisation du Gaec constitue clairement un atout avec une clientèle de proximité disposant d’un fort pouvoir d’achat. « Sur le marché, nous sommes les seuls maraîchers bio à produire sur la commune ! »

Encore en phase de lancement, Sébastien et Philippe se donnent deux à trois ans pour atteindre leur rythme de croisière. « Notre plan de financement prévoit que nous serons à l’équilibre dans cinq années. Pour l’instant, nous sommes dans les clous ». Il est vrai qu’avant de franchir le pas de l’installation, les deux associés ont longuement préparé leur affaire : diplôme agricole, formation complémentaire sous la houlette d’un mentor, étude de marché, vérification de la compatibilité de leur vision et de leur approche… Tous deux soulignent également l’importance de se constituer un réseau professionnel et de s’ouvrir. « Les visites d’exploitations nous ont permis de définir et de dimensionner notre outil de travail ». Toujours en veille, Sébastien a ainsi prévu de se rendre à « La terre est notre métier », le salon des professionnels de la bio, qui se déroulera à Retiers (35), les 25 et 26 septembre. « Pour rencontrer des gens et créer du lien ». Une notion essentielle.

Jean-Yves Nicolas


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