307 L équivalent de lait est consommé par habitant et par an. Alors que la production ne cesse de baisser depuis 2021, la consommation est dynamique et se maintient dans le temps, avec néanmoins une part des importations à 37 % qui progresse pour certaines familles de produits laitiers, comme les fromages et les ultra-frais. « Fait marquant de ces dernières années, la baisse de valorisation de ces produits s’intensifie avec le recul des marques nationales au profit des marques distributeurs (MDD) », note Christine Goscianski, de l’Institut de l’élevage, lors d’une conférence sur ce thème durant le Space.
Les parts de marché des produits MDD passent ainsi de 35 à 38 % pour le beurre et de 39 à 44 % pour les produits ultra-frais de 2021 à 2024.
En cause, l’inflation mais pas que…
Cette progression est boostée par l’inflation des prix alimentaires, par l’élargissement de l’offre de références MDD et de la gamme proposée aux consommateurs selon les arbitrages des industriels… Est-ce un effet structurel ou conjoncturel ? « On a déjà noté lors de la crise de 2008-2009 une forte attirance pour les produits MDD avant un retour vers les marques nationales », relève Benoît Rubin, de l’Idele, animant la conférence. Alors après cette crise d’inflation, le consommateur reviendra-t-il aux achats de marques nationales ? Cette tendance a-t-elle une incidence sur les relations contractuelles entre les différents acteurs de la filière ?
La ressource se fait rare
Invité pour y répondre, Yohann Serreau, président de l’Unell, OP représentant 5 200 livreurs à Lactalis (62 % de la collecte) : « L’innovation est portée sur les marques des transformateurs. Les MDD sont donc un risque de perte de valeur. Mais, même si ce n’est pas la stratégie première de Lactalis, la structure ne peut pas ne pas accéder à ces marchés de MDD. Si, côté producteur, pour 2024, le lait est valorisé sur le marché intérieur par rapport au prix de revient grâce à la loi Égalim, il n’y a pas d’impact sur le prix payé éleveur. Mais à terme, est-ce que le positionnement de marque de la laiterie va changer ? » Optimiste, il relativise cependant. Tout n’est pas noir ou blanc. « Il y a aussi de belles réussites avec ces MDD. » Dans le viseur, les contrats tripartites coconstruits avec les acteurs pour élaborer ces MDD adossées à des cahiers des charges, laissant l’opportunité aujourd’hui d’avoir des produits standard de milieu de gamme, « et permettant à la distribution de sécuriser son approvisionnement, en volume et sur le long terme », explique Bertrand Morand, responsable partenariat filières agricoles chez Coopérative U. Et Dominique Huth, directeur général Bussiness Unit chez Eurial, d’ajouter : « Et pour la transformation de saturer aussi ses usines ». En résumé, les MDD donnent donc de la visibilité et de la sécurité à tous les acteurs. Une sécurité importante à l’heure où la ressource lait se raréfie et où la rationalisation en transformation et distribution devient un enjeu avec une main-d’œuvre difficile à trouver. « Conquérir les marchés, c’est bien, encore fait-il pouvoir les approvisionner… », note Dominique Huth. Les rapports de force changent. « On a besoin de développer nos relations », ajoute Bertrand Morand. Ces contrats tripartites le permettent. Ils sont cependant axés sur un monoproduit : le lait UHT, qui représente 10 % de la production française… « Il est important de les développer sur d’autres produits », relève Yoann Serreau.
Une complémentarité nécessaire
Bertrand Morand poursuit : « La MDD dans notre enseigne c’est 30 % de part de marché, 600 M L lait dont 25 % sont contractualisés ». C’est un produit équivalent aux marques nationales, avec peu d’innovation, peu de force de vente et peu de publicité car c’est l’enseigne qui porte la marque, ce qui explique son prix moins cher.
Cependant MDD et marques nationales sont complémentaires. « Les marques avec de la valeur ajoutée ont de l’avenir, les MDD ont une raison d’être », analyse Dominique Huth. « Faire du 100 % MDD, n’est pas un objectif. On a besoin d’assurer une diversité d’offre de produits dans les linéaires, et de permettre au consommateur de comparer les produits », renchérit Bertrand Morand. Car in fine, ne l’oublions pas, c’est le consommateur qui a le dernier mot.
Carole David
La problématique c’est la versatilité du consommateur
Opinion : Yohann Serreau – président de l’Unell
Il y a peu de temps, l’objectif était de tout convertir en bio. Avant la Covid, rappelez-vous, le produit d’avenir était aussi celui sans OGM. Mais depuis l’inflation, ces deux gammes ne sont plus dans les desiderata des consommateurs… Nous éleveurs, on peut répondre à toutes les demandes au niveau de la production, mais pas à des effets de mode. Les changements de pratiques s’effectuent sur du long terme dans nos exploitations…